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Deux très bons films à voir au cinéma...


Synopsis : "Un poste de police. Un tête-à-tête, en garde à vue, entre un commissaire et son suspect", pour faire simple.

Sans être particulièrement adepte du cinéma de Quentin Dupieux, dont j'avais par ailleurs beaucoup apprécié le précédent film "Réalité" avec Alain Chabat, le synopsis de cette nouvelle production m'avait interpellée. En effet, Fugain (joué par Grégoire Ludig), un homme sans histoires se retrouve dans le bureau du commissaire Buron (Benoît Poelvoorde au top!), soupçonné de meurtre après être sorti de chez lui pour se rendre dans un commerce à proximité de son domicile. Il n'en fallait pas plus pour me faire penser à une situation kafkaïenne et à aiguiser ma curiosité. 
Je pourrais qualifier ce film de "comédie", or ce serait desservir la qualité et l'originalité de cette oeuvre compte-tenu du grand nombre de comédies à la française qui sortent chaque année sur nos grands écrans et que l'on oublie vite. Ce film me paraît plutôt inclassable, je le qualifierai donc d'indomptable fantaisie, avec le non moins indomptable et talentueux Benoît Poelvoorde, qui contrairement à son caractère habituellement très démonstratif, est ici bien dirigé par Quentin Dupieux de façon à conférer à son jeu une forme de retenue, de cadrage je dirais presque rendant sa performance délicieuse et bien sûre d'une drôlerie revigorante.
Fantaisie et loufoquerie sont les maîtres mots de cette opus totalement déjanté qui attire notre attention sur le danger de la banalité qui peut s'emparer de nos vies, de nos échanges avec nos semblables nous empêchant de réfléchir, d'exercer notre esprit critique. L'univers singulier que Q. Dupieux nous propose s'inscrit logiquement dans les thématiques qu'il développe tout au long de son oeuvre à savoir l'absurde, la banalité et le non-sens. Dans "Au poste", il utilise un décor urbain très froid et y met une fantaisie qui rend certaines situations totalement hilarantes, non dénuées de sens et beaucoup plus accessible au public non-initiés que ses précédents films. Le non-sens et l'absurdité qui se dégagent du scénario sont d'autant plus comiques que cela est porté par un duo d'acteurs jubilatoires, Benoît Poelvoorde et Grégoire Ludig. 
"Au poste" me semble un bon moyen, pour ceux qui ne le connaisse pas encore, de s'introduire dans l'univers décalé, atypique de Quentin Dupieux; les films précédents risquent, à mon avis, d'être beaucoup trop hermétiques et déstabiliseraient le spectateur qui au final n'y trouverait aucun plaisir mais serait confronté à une incompréhension abyssale. L'absurde quand il reste cohérent peut aisément servir le propos du cinéaste dont le style peut être difficile à cerner et qui, au demeurant ne cherche pas spécialement à être compris de la masse. L'appauvrissement du langage dans nos sociétés où l'on court derrière le temps et où l'on économise les mots au risque d'ajouter à la violence qui nous entoure, me semble un point central dans la construction de la narration; en effet, s'il y a un point fort que l'on peut relever c'est la qualité et la subtilité des dialogues que j'ai trouvé particulièrement réussis.
Q. Dupieux ne lésine pas sur les moyens qu'il met en oeuvre pour déstabiliser son spectateur ou du moins pour le pousser sans cesse à s'interroger sur ce qu'il voit; le décor est particulièrement stylisé et l'absurdité se retrouve jusque dans les objets mêmes, leur aspect, leur placement, etc dans une mise en scène très inventive.

Un moment de cinéma très réjouissant dont la durée (1h13) me laisse penser que le réalisateur va jusqu'au bout de son idée, à savoir que les blagues les plus courtes sont les meilleures!




Synopsis : "Dans une banlieue déshéritée, Marcello, toiletteur pour chiens discret et apprécié de tous, voit revenir de prison son ami Simoncino, un ancien boxeur accro à la cocaïne qui, très vite, rackette et brutalise le quartier. D’abord confiant, Marcello se laisse entraîner malgré lui dans une spirale criminelle. Il fait alors l’apprentissage de la trahison et de l’abandon, avant d’imaginer une vengeance féroce..."


Marcello Fonte qui joue dans ce film le rôle d'un toiletteur pour chiens est un homme à la frêle silhouette, discret, apprécié de tous et qui déborde d'affection pour les animaux dont il prend soin. Quand réapparaît une ancienne connaissance, Simonè, brute épaisse que l'on suppose sorti récemment de prison, Marcello se voit entraîner dans une spirale de violence à laquelle il est totalement étranger. Matteo Garrone s'est inspiré d'un sinistre fait divers et nous pousse à nous interroger sur la violence qu'engendre la misère dans notre société et comment un être acculé peut trouver le moyen de sortir d'une impasse sans se rendre coupable lui aussi, et je n'en dis pas plus pour ne pas "déflorer" l'intrigue. On peut également se demander qui de l'homme ou de l'animal est la bête?
Le film joue avec nos émotions en nous rendant témoins de la détresse de Marcè dont la banalité du quotidien peut sembler au demeurant déprimante, tout cela étant renforcé par la noirceur et l'aspect lugubre du décor dans lequel évolue le personnage. 
On entretient tout de suite un rapport de tendresse et d'empathie avec Marcello qui est un père aimant souhaitant offrir à sa fille un beau voyage. Ce film peut diviser, de part sa noirceur et sa relative lenteur. Après Gomorra, film qui a rencontré un large succès à sa sortie en 2008 et qui abordait la question épineuse voire explosive de la mafia napolitaine et de son influence sur le quotidien des habitants de cette ville, et après Realty qui n'a pas eu le même accueil auprès du public, Matteo Garrone signe avec Dogman une oeuvre à la patte singulière et qui l'inscrit parmi les grands cinéastes de sa génération. 
L'association entre le travail auprès des animaux qui apaise notre personnage principal, la violence et la brutalité qui émanent des hommes et la recherche d'un sens à l'existence apportent une valeur indéniable et une grande originalité scénaristique; à cela s'ajoute le jeu bouleversant de sincérité et de justesse de Marcello Fonte qui a amplement mérité son prix d'interprétation masculine lors du dernier festival de Cannes. Qui a dit que le cinéma italien était mort?
Je ne peux pas dire que j'ai passé mon plus agréable moment de visionnage d'un film au cinéma, car le réalisateur ne cède à aucun sentimentalisme et le spectateur peut vite se trouver écraser par cette atmosphère lugubre, néanmoins on reste accroché au propos qui nous est servi et on espère entrevoir une issue favorable pour le protagoniste de cette histoire. On ne peut évidemment pas passer à côté de la dialectique perte d'innocence/part d'animalité de l'humain; le monde dans lequel nous vivons est de plus en plus violent, les réseaux sociaux et les programmes télévisés creux nous abrutissent...comment dans cette configuration ne pas perdre sa part d'humanité ? Le propos du cinéaste n'est d'ailleurs pas anodin à l'heure où le populisme gagne du terrain en Italie.

Je vous encourage donc à aller au cinéma intelligemment, pour permettre à des films comme "Dogman", "Au poste" ou encore "Pororoca" (dont je parlerais peut-être prochainement) qu'on ne peut qualifier d'oeuvres grand public ( c'est à dire à servir uniquement à divertir les masses...pour mieux les abrutir n'est-ce pas!), de trouver une audience réceptive et, qui sait, d'allonger la durée de distribution de ce genre de films qui peuvent vite et qui vont d'ailleurs très vite être remplacés par les navets qui sortent régulièrement sur nos grands écrans et qui ne servent pas la cause du cinéma...cela étant dit il en faut bien pour tous les goûts!!

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