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Amy Winehouse ou le destin tragique d'une artiste hors du commun


Amy WINEHOUSE, No limits, Pascal Louvrier, éditions l'Archipel, en librairie depuis le 27 septembre 2018*.

Aujourd'hui le nom de Amy Winehouse (1983-2011) est associé au "club des 27", autrement dit à ces grands artistes fauchés en pleine gloire à l'âge de 27 ans : Kurt Cobain (dont je raffolais à l'adolescence), Jim Morrison, Janis Joplin, Jimi Hendrix...ils ont tous en commun d'être des artistes complets, chanteurs, musiciens, compositeurs mais également d'avoir eu de sérieuses addictions et d'avoir été en prise avec un mal-être qui précipitera leur déchéance et mettra un terme à une vie qui semblait artistiquement prometteuse. Amy Winehouse aura su, en moins de dix ans et grâce à une maturité remarquable pour son jeune âge, conquérir un public et prouver sa stature d'immense artiste adoubée par les grands et notamment Tony Bennett, une de ses idoles. Les tabloïds ne l'auront pas épargnée, et ni son entourage ni l'amour ne parviendront à extirper ce mal-être qui la rongeait.

Blake, l'homme au chapeau, l'homme de sa vie, celui qu'elle aime sans limites, ne lui apportera jamais rien de bon, il la précipitera même dans les profondeurs de l'abîme...incorrigible, irrécupérable, jusque dans l'hôpital où Amy suivait sa cure de désintoxication; là où l'on s'attendait à ce qu'il lui apporte un bouquet de fleurs, c'est du crack qu'il introduira lors de sa visite. Sa vie n'a rien de commun, sa voix est hors du commun! Pour reprendre les mots de Pascal Louvrier, Amy était un corps plein de maux et une tête pleine de mots. "Back to black" son second album, celui qu'elle a composé au bout de sa douleur est une pépite que l'on peut écouter inlassablement.
Cette voix, c'est sa fêlure, ce mal-être qui la ronge, elle s'y enfoncera, s'y complaira; parce que seule compte la présence de Blake, il est son élan créateur mais également l'homme qui la désintègre, la disloque, la mènera à l'auto-destruction.

Cette biographie n'est pas exempte de références littéraires, notamment au chef-d'oeuvre de J. D. Salinger "l'Attrape-coeur"; l'histoire d'un adolescent, Holden Caulfield, qui est en conflit avec les valeurs des adultes, mais également en conflit avec lui-même. Amy est ce personnage, ayant gardé une part d'enfance, celle de ses 9 ans et le divorce de ses parents qui l'anéantira et ouvrira cette plaie sur laquelle Blake jettera du sel, la menant à sa perte. Elle ne parviendra jamais à reprendre le contrôle sur sa vie, son addiction aux drogues, à l'alcool et à Blake ne lui offriront aucune échappatoire que celle de la mort.

Flamboyante, imprévisible, insaisissable, écorchée vive, Amy reste une des artistes majeures de l'ère contemporaine. Elle était consciente de son talent et de son caractère à part, de sa sensibilité exacerbée. Comme le dit l'auteur, les "jazzeux" dont elle fait partie, n'aiment pas les grandes scènes, la foule, cela dénature leurs performances. Sa culture musicale imposait le respect, son rapport à la musique était viscéral et elle se distinguait très nettement des "pop stars" fabriquées qui pullulaient à cette époque 2.0. Son rapport était donc intime avec cette musique aux influences "soul" et "jazz". Si intime qu'elle ne parviendra jamais à surmonter sa timidité, ni à créer une complicité avec son public et qu'elle sabordera ses concerts quand elle estimera ne pas être d'humeur ou incapable d'affronter les foules venir écouter ce grain de voix si singulier. Et pour ceux qui s'en souviennent, il faut citer son dernier concert à Belgrade en mai 2011 peu de temps avant sa mort où l'on se demande comment un désastre pareil a pu être rendu possible. On y voit Amy Winehouse la mine boudeuse, déconfite, titubant, avançant vers son micro puis reculant, enlaçant les musiciens qui vraisemblablement l'encouragent à "faire le show"; mais elle le fait le show, à sa façon. Mon avis est qu'elle n'était pas ivre, elle était lapidée, vidée, elle n'avait aucune envie de la faire cette tournée, elle y a été obligée.

A la lecture de cette biographie on est sidéré par l'entourage de l'artiste qui n'a pas pu (pas su?) la sauver d'elle-même alors que ses appels à l'aide n'ont jamais cessé! ce qui fait dire à l'auteur la chose suivante "la grande question c'est de savoir s'il est possible de sauver quelqu'un en mode destruction. Quelqu'un qui cherche la jouissance dans l'abandon à une blessure, qu'elle soit physique ou psychologique. Ou les deux."

Bien écrite et captivante, cette biographie nous permet de comprendre le parcours et le destin d'une artiste incroyable.


* je remercie LP CONSEILS de m'avoir donné l'opportunité de lire cette belle biographie avant sa parution.

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