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L'Orangeraie, Larry TREMBLAY

éditions de la table ronde, 2015, 152 pages.

Résumé de l'éditeur
Les jumeaux Amed et Aziz auraient pu vivre paisiblement à l'ombre des orangers. Mais un obus traverse le ciel, tuant leurs grands-parents. La guerre s'empare de leur enfance. Un des chefs de la religion vient demander à leur père de sacrifier un de ses fils pour le bien de la communauté. Comment faire ce choix impossible?


J'ai eu la chance de découvrir ce magnifique livre sur la chaîne de "My pretty books" et quelle lecture envoûtante et révoltante! Larry Tremblay dans une écriture toute en douceur, et dans un style presque poétique nous montre tout le mal et l'absurdité qui émanent d'une guerre et ébranlent des vies.

Les mots clés de ce roman sont "guerre", "religion", "enfance", "innocence", "martyr", "paradis", "sacrifice"...Pourquoi et comment la guerre vole l'innocence des enfants? C'est avec beaucoup de délicatesse que Larry Tremblay nous présente les choses, sans nommer le pays où la guerre fait des ravages parce qu'il est sous-entendu que c'est au proche-orient et qu'après tout il ne s'agit pas de hiérarchiser les souffrances...tous ceux qui la subissent de plein fouet étant les civils, parmi lesquels des enfants.

Zahed, le père des jumeaux se trouve face au choix le plus difficile de sa vie, notamment des choix à faire quand on vit au coeur d'un conflit; il lui faudra choisir le fils qui portera la ceinture d'explosifs que lui a apportée Soulayed le chef de guerre, et aller se faire exploser en territoire ennemi. Il faut juste préciser que Amed et Aziz sont âgés de 9 ans et que quoi qu'il arrive un des deux finira en mille morceaux. Ce qui peut nous surprendre c'est l'acceptation de la fatalité, une résignation qui nous indigne, qui nous révolte. Parce que le discours que tiennent les chefs de guerre, ne laisse pas de place au doute, à l'hésitation, à la résistance...le chaos qui résulte est le terreau sur lequel ils vont prospérer et développer leur idéologie mortifère.

Chaque personnage est enveloppé d'un voile de pudeur, ce roman est concis mais d'une grande densité...et les 152 pages vont occuper votre esprit pendant un petit moment. Larry Tremblay exprime ici toute l'ignominie des incessantes guerres menées au nom d'une religion ou pour la conquête d'un territoire, d'un espace.

L'orangeraie c'est la métaphore d'un paradis perdu, celui auquel chacun aspire sur cette terre, mais qui se dérobe pour peut-être se retrouver dans l'au-delà. Qu'est-ce qui peut permettre de devenir un homme à part entière? de devenir un être humain à part entière? aller se faire exploser et prétendre mourir dignement ou résister et risquer de mourir la tête haute? Ce roman entre forcément en résonance avec l'actualité car même si l'auteur n'identifie pas explicitement le pays où a lieu ce conflit, nous le savons pertinemment et le "décor" évoque une région orientale en proie à d'incessants soubresauts meurtriers dont les victimes sont toujours des innocents, des enfants sacrifiés sur l'autel du "narcissisme extrême des causes perdues"(citation extraite de "le surmusulman, un furieux désir de sacrifice", Fethi Benslama).

Ce court roman est un conte moral, une fable qui pose la question de la transmission de la haine, de la manipulation, de la séduction puisque le père des jumeaux n'opposera pas vraiment de désaccord étant persuadé par le bien-fondé de ce qu'on lui demande de faire. Leur mère affichera quant à elle de l'hostilité à l'égard de ces suppôts du diable, mais elle trouvera son propre compromis.

POUR FINIR...

C'est une lecture que l'on fait la respiration suspendue, avec la colère de se sentir impuissant face aux injustices et spectateur passif de toute la cruauté qui se déverse sur des vies innocentes. Ce roman est puissant, émouvant, ne vous laissera pas indifférent et est une lecture indispensable. L'adaptation en pièce de théâtre a été évoquée par l'auteur et je crois que c'est chose faite au Canada; reste à savoir quand elle sera en représentation en France...et j'irais bien sûr la voir.






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