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Cinéma : enfin un nouveau film de Pascal Laugier...GHOSTLAND

En salles (mais pas dans toutes) depuis le 14 mars 2018.
Ghostland, écrit et réalisé par Pascal Laugier, genre : horreur/épouvante.

Six ans après son dernier film "The secret" et dix ans après le très sulfureux "Martyrs", Pascal Laugier revient avec un film relevant du genre "horreur" et dont lui seul a le secret en France aujourd'hui...autant dire la maîtrise de la technique et un propos. Car regarder un film de ce discret et non moins talentueux cinéaste n'est pas de tout repos, j'y reviendrai.
Pour les cinéphiles, les vrais, qui avaient suivi la polémique au sujet de la classification de "Martyrs", il y a dix ans; il était question pour les puritanistes et réactionnaires d'un certain bord politique, de censurer ce film en l'interdisant aux moins de 18 ans, autrement dit de tuer le film avant sa sortie et donc de décourager la production de ce genre en France. Le cinéma qu'on peut appeler de genre "thrillers horrifiques/épouvantes" n'est plus très présent dans nos salles. Il est devenu peu prisé par les producteurs français, boudé par les spectateurs, si bien que Pascal Laugier a dû trouver ses financements du côté de l'Amérique du nord et que les salles ne se remplissent pas autant que pour des comédies insipides, enrôlant le public français dans une espèce de pensée unique qui a aseptisé nos salles obscures!

La classification finalement retenue pour "Martyrs" a été une interdiction pour les moins de 16 ans, pour "Ghostland" également; or je me souviens qu'à une époque ma culture cinématographique s'est construite en regardant très jeune des films de ce genre...en y incluant la référence des films terrifiants à savoir "l'exorciste" (certes un contrôle parental ne s'exerçait pas sur ce que je regardais tant que ce n'était pas pornographique). J'ai pu avoir un espace dans lequel j'ai pu décharger mes angoisses, mes peurs, mon mal-être de l'adolescence, en trouvant dans le cinéma des vertus cathartiques....un viatique me permettant de laisser mes refoulements prendre vie et de ressortir de cette expérience soulagée, déchargée d'un poids. Car regarder un film comme "Martyrs" c'est vivre une expérience dans sa sensibilité et effectivement les personnes trop sensibles peuvent se passer de regarder des scènes de grandes violences.  Tout le débat porterait donc sur le degré de maturité d'un jeune de moins de 18 ans confronté à des scènes de violence mais ne contenant pas de pornographie car c'est le cas des films de Pascal Laugier. 

Or ma maturité et mon appréhension du monde d'aujourd'hui (notamment en tant que mère) me laissent penser que la violence, la vraie, les jeunes y sont confrontés à travers les programmes TV abrutissants qu'on leur inflige, les jeux vidéos, la mondialisation et les injonctions de la consommation, etc. Alors moi qui ai été nourrie à ce genre de films et qui ai construit ma culture non seulement cinématographique, mais plus largement littéraire et théâtrale, je n'interdirais pas à mes enfants (ils sont encore petits pour le moment) de voir "Ghostland" par exemple, puisque c'est de ce nouveau film dont il s'agit aujourd'hui. Je vois beaucoup d'enfants en bas-âges scotchés à des smartphones ou tablettes et cela me sidère!!!! mais je ne vais pas m'engager sur ce genre de sujets, ce n'est pas mon propos pour ce billet censé vous donner mon avis sur "Ghostland" sorti récemment en salles.

Voici le synopsis :
"Suite au décès de sa tante, Pauline et ses deux filles héritent d’une maison. Mais dès la première nuit, des meurtriers pénètrent dans la demeure et Pauline doit se battre pour sauver ses filles. Un drame qui va traumatiser toute la famille mais surtout affecter différemment chacune des jeunes filles dont les personnalités vont diverger davantage à la suite de cette nuit cauchemardesque. Tandis que Beth devient une auteur renommée spécialisée dans la littérature horrifique, Vera s’enlise dans une paranoïa destructrice. Seize ans plus tard, la famille est à nouveau réunie dans la maison que Vera et Pauline n’ont jamais quittée. Des événements étranges vont alors commencer à se produire."

Pour les fans de Mylène Farmer comme moi, vous aurez plaisir à la voir jouer avec talent le rôle de Pauline, la mère des deux jeunes filles; son jeu est sobre et percutant à la fois, conforme à l'image que je me fais d'elle. L'idée de ce film n'est pas la violence gratuite, et cette brutalité qui se joue tout au long du film, qui pourrait agacer et de ce fait masquer le propos; il est question du pouvoir de l'imaginaire, de la frontière entre le rêve et la réalité, de la capacité à surmonter un traumatisme et à se reconstruire. Car l'agression subie par la mère et ses deux filles a été d'une violence inouïe. Alors forcément si l'on s'arrête aux effets sonores, twists et multiples jump scare, on peut ne pas comprendre la démarche et le message délivré par le réalisateur. Je dois quand même avouer que je n'ai pas forcément apprécié de sursauter 10 fois au cours d'une même scène, le réalisateur multipliant les gros sons et jump scare pour créer l'effet de surprise. Il y a également beaucoup de clichés très exploités par le cinéma d'horreur. Le scénario nous montre les deux façons de vivre après un traumatisme; Beth qui se rêve en écrivaine à succès et dont la source d'inspiration est H.P. Lovecraft; et sa soeur Vera qui sombre dans la folie et la paranoïa sévères.

A cela s'ajoute, une narration qui fait des allers-retours entre passé et présent et une déstructuration qui peut achever de semer la confusion et nous faire perdre le fil du scénario. Ainsi, au lieu de se sentir impliqué, le spectateur se perd et devient passif dans la résolution de l'énigme, si tant est qu'elle ait une solution.

J'émettrai peut-être un avis mitigé si je n'avais pas vu les autres films de Pascal Laugier et si je n'allais pas plus loin dans l'analyse filmique et la compréhension de la démarche du cinéaste. Ce dernier est un réalisateur qui se fait rare, qui travaille dur pour monter ses projets, dont les financements des films ne suscitent pas l'enthousiasme en France, pays où les entrées se font par millions pour des productions sans valeurs, sans intérêt, insignifiantes. Mes dernières virées dans les salles obscures me confirment l'idée que quand des films ne correspondent pas au normes périmétrées du cinéma d'aujourd'hui, le public n'adhère pas, parce qu'il ne veut plus réfléchir, ne recherche que le divertissement simpliste!

J'aime le travail de ce cinéaste, sa culture, ses références. On ressort de ce film avec des questions, un besoin de confronter son point de vue et nous sommes face à une interprétation laissée à notre libre appréciation.
J'ai été ravie d'avoir vu le jeu d'actrice de Mylène Farmer, une artiste qui se fait rare et qui est elle-même une grande cinéphile.

Pascal Laugier saura-t-il donner une nouvelle impulsion au cinéma de genre? Il lui donne en tout cas un nom, et le nom d'un cinéaste de grand talent! 



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