Parmi la multitude de romans qui sortent chaque année lors de la rentrée littéraire, j'ai choisi une toute petite sélection de 7 livres :
- ARCADIE, Emmanuelle Bayamack-Tam, P.O.L.
- DIX-SEPT ANS, Eric Fottorino, Gallimard.
- KHALIL, Yasmina Khadra, Julliard.
- EINSTEIN, LE SEXE ET MOI, Olivier Liron, Alma éditeur.
- TENIR JUSQU'A L'AUBE, Carole Fives, l'arbalète Gallimard.
- LE MALHEUR DU BAS, Inès Bayard, Albin Michel.
- VIVRE ENSEMBLE, Emilie Frêche.
Cette sélection ne s'est pas faite par hasard mais bien au gré des avis lus dans les journaux ou entendus dans des émissions radio de grande qualité. Sur les sept romans lus, six sont d'excellentes lectures voire des coups de coeur et un est une grande déception voire une des arnaques littéraires de cette rentrée.
Je vais donc commencer par cette immense déception que fut la lecture du livre de Olivier Liron, dont il me semble que "Einstein, le sexe et moi" est le deuxième roman, en espérant qu'il n'y en ait pas d'autres si c'est pour nous pondre une daube pareille...oui je me lâche et je ne vais plus faire dans la demie mesure, ni me laisser duper ou aveugler sous le seul prétexte que ce jeune homme tout brillant et érudit qu'il est, se présente comme autiste asperger. Cette différence dont j'aurais aimé en savoir plus ne me semble pas occuper une grande place dans le récit qu'il fait de sa participation au jeu télévisé "questions pour un champion". Présenté comme le livre le plus drôle de la rentrée littéraire 2018, je me suis efforcée de ne pas le balancer par fenêtre ou d'aller demander un remboursement !!
Je ne parviens pas à comprendre l'engouement pour cet auteur dont le livre est parsemé de phrases aussi affligeantes que (je reprends grosso modo l'esprit ne me rappelant plus la phrase dans son exactitude) "j'étais assis aux toilettes quand j'ai regardé entre mes jambes et j'ai vu ma bite"...voilà le genre de phrases que l'on peut lire tout au long du livre, creux, sans style, sans émotion, sans intérêt. J'y ai trouvé un narrateur obsédé par le sexe et une indigence dans l'écriture qui me laisse dubitative quant aux véritables qualités que l'on attend d'un écrivain de nos jours. Tout le monde peut donc écrire, alors pourquoi pas moi tiens ! Non, j'ai beaucoup trop de respect pour l'art qu'est la littérature.
Alors bien sûr qu'il raconte ce qu'il a pu vivre de douloureux dans son enfance à l'école, mais j'ai également été "harcelée" et j'ai très mal vécu mes années collèges...je ne pense pas que cela fera de moi une écrivaine si tant est qu'on sache raconter des histoires et qu'on le fasse en y mettant de la profondeur, ce qui est totalement absent du récit de Olivier Liron.
Un titre aussi racoleur et la singularité d'autiste Apesger de l'auteur ont suffi à créer un emballement; mais une personne différente doit-elle forcément être gratifiée d'un talent qu'elle n'a vraisemblablement pas? Même si la raison d'être de ce livre m'échappe, l'auteur a trouvé son public, puisque son livre connaît un vrai succès auquel je ne peux adhérer l'ayant trouvé insipide et ayant perdu mon temps et mon argent (18 euros)! c'est une véritable prise d'otage du lecteur de laquelle j'ai réussi à m'échapper.
Pour les livres qui ont été de véritables bonheurs de lecture je ne vais pas trop m'attarder sur la description des ravissements et satisfactions qu'ils m'ont apportés.
Chacun a su à sa manière parler à ma sensibilité, m'accueillir dans son intimité et dans son histoire fictive ou réelle comme Eric Fottorino dont je ne parvenais pas à quitter le récit bouleversant; sondant encore son histoire familiale et ses soubresauts. Dans "dix-sept ans", il creuse le passé de sa mère, Lina, après avoir accordé ses précédentes fouilles généalogiques à ses "pères". Véritable plongée dans les secrets d'une famille dont il nous parle avec pudeur et sincérité; l'émotion à fleur de peau, avec ce récit d'une grande sensibilité, Eric Fottorino porte haut les valeurs de la littérature, nous revigore et nous ouvre les yeux afin de ne plus se fourvoyer dans les allées sinueuses des pseudos littératures de pacotilles!
Un point commun à ses lectures est la problématique familiale, la tension qui peut naître d'une recomposition comme le raconte avec subtilités Emilie Frêche dans "Vivre ensemble", ou comment peut-on accepter l'enfant de son conjoint lorsque cet enfant présente des troubles de la personnalité et ne semble pas prêt à accepter la nouvelle configuration qui lui est imposée? Une tension s'installe jusqu'à une fin tourmentée voire terrifiante qui laisse entendre qu'on est parfois pousser à commettre le pire. Dans "Tenir jusqu'à l'aube", Carole Fives nous place aux côtés d'une mère célibataire qui se retrouve avec son enfant face à une solitude qui la ronge. S'autorisant tous les soirs une petite virée dans son quartier pendant que l'enfant dort. Comme le dit très justement la quatrième de couverture, l'auteure est une fine portraitiste, son écriture vive et son regard aiguisé nous mettent face à une réalité que beaucoup ignorent et nous fait partager l'étouffement que peut ressentir une mère quand tout tourne autour de l'enfant l'isolant progressivement de toute vie sociale et professionnelle. Un roman qui m'a beaucoup émue et qui fait naître la réflexion sur ce qu'est être une femme aujourd'hui.
"Arcadie", "Khalil", "Le malheur du bas" abordent des thématiques très différentes. Nous assistons avec le roman de Yasmina Khadra à la descente dans l'enfer de la radicalisation d'un jeune homme et nous met face à ce fléau du XXI ème siècle et à la fragilité de nos consciences : extraits :
" - Il s'est sacrifié pour Dieu, pas pour les autres.
Il se tourna vers moi la bouche tordue.
- Tu approuves ce qu'il a fait?
- Que j'approuve ou désapprouve, ça changerait quoi ? Ce qui est fait, est fait.
- Est-ce que tu mesures l'étendue du désastre ? Driss voulait tuer des gens qui ne lui avaient rien fait? Où est Dieu dans tout ça? Il s'agit de barbarie. C'est lâche, minable et triste...
- Tu vas réveiller tout l'immeuble.
- Je m'en fiche. Je veux que la terre m'entende d'un bout à l'autre. Dieu n'est pas un chef de guerre, encore moins le parrain d'une organisation criminelle. Il est écrit dans le Coran que celui qui tue un être aura tué l'humanité entière. Alors à quoi riment ces massacres gratuits? Pourquoi faut-il faire croire que quand l'imam appelle à la prière, c'est appel à l'agonie que l'on doit entendre?"
La plume de Y. Khadra est savoureuse et dresse un portrait acéré d'une jeunesse perdue qui plonge aveuglément dans le terrorisme pour se donner une contenance et une visibilité.
"Arcadie" d'Emmanuel Bayamack-Tam est un livre qui traite avec originalité d'une communauté qui vit dans la liberté et la jouissance sans entraves. Une espèce de phalanstère dans lequel les nouvelles technologies sont interdites, qui accueille les freaks ou autres inadaptés sociaux et qui se fonde sur l'amour de tous pour chacun. Roman initiatique, aux personnages aussi fantasques qu'énergiques, prônant une liberté sexuelle et l'acceptation de chacun avec ses différences, ce livre se lit comme un traité d'insoumission même si l'on peut parfois désapprouver l'approche trop sexuelle de cette liberté. C'est bien écrit, savoureux, addictif.
"Le malheur du bas" d'Inès Bayard m'a quelque peu fait penser dans sa construction et sa thématique à "Chanson douce" de Leila Slimani (Prix Goncourt 2016). Avec cette prolepse où l'on commence par tout savoir de la terrible tragédie qui touche une famille, avant de revenir en arrière pour en comprendre les raisons. Jeune auteure de 27 ans, Inès Bayard nous livre avec "les malheur du bas" une charge violente sur les souffrances que peut endurer le corps d'une femme. Sans vous en dévoiler davantage, ce premier roman ébranle le lecteur; ce dernier s'accroche pour ne pas se laisser broyer par tant de hargne; une hargne néanmoins maîtrisée et un premier roman très réussi.
Cette sélection s'arrête là. Je ne sais pas si mes avis sont très structurés ou détaillés, ils ne répondent cependant pas à une norme. J'essaye dans la mesure du possible de ne pas rédiger des avis qui en disent trop et laisse plutôt place à l'expression de mon ressenti et de mes exigences. J'espère néanmoins que les visiteurs de ce blog apprécieront.
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