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La littérature, ou comment se sentir vivant, vibrant grâce aux mots des écrivains

 


Petite liste de mes premières lectures de cette année 2021.


La littérature vomit l’utilitarisme… mais je reconnais toutefois son « utilité », la force et le bonheur qu’elle me procure dans les moments de doutes.


Ma bibliothèque ne me fera jamais défaut ; dans mon salon, elle est disposée de façon à être visible par les passants qui circulent à l’extérieur et me tient compagnie, m’offrant par là les compagnons les plus fiables dans la solitude, l’ennui ou le chagrin.


Les livres ornent mon intérieur et le rapport charnel que j’entretiens avec ces objets exclut un jour l’utilisation d’une liseuse ou tablette et je pense ne commettre aucun sacrilège lorsque je souligne, « stabilote » des passages ou écorne des pages.


Lire des livres, et je dirai même une certaine catégorie de littérature participe d’un dispositif intellectuel de réenchantement du monde, quand tout autour de vous est serti d’ignorance et semble sombrer dans la vacuité. Cela étant dit, je ne peux affirmer comme Emmanuel Bove, et compte tenu des déconvenues auxquelles la vie prête le flanc, que dans la quasi-bassesse d’une conduite il est possible d’entrevoir la promesse de la bonté ; j’ignore si la littérature peut totalement me réconcilier avec la nature humaine.


Que recherche t-on à travers la littérature ? Aimez vous lire des histoires dérangeantes ? Vous sentez vous ragaillardis après avoir lu un auteur à la plume humoristique ou épique ? Cherche t- on à éprouver des sensations fortes en lisant ?

Ressentir des vibrations, être bouleversée et aller loin dans l’exploration de l’âme humaine; voilà ce qui m’enchante quand je lis. La beauté de la langue (et de la traduction) tient aussi une place importante, cela va de soi.

Ces questionnements peuvent également s’appliquer au cinéma et au théâtre que j’aborderai quand les salles rouvriront.


Je vous dresse donc ci-dessous  la liste succincte de mes lectures depuis le début de l’année 2021. 

Il y a eu une interruption sur ce blog, et elle est due au chagrin causé par la perte d’un être cher des suites du COVID… ce qui me démontre le pouvoir de la littérature et des mots … de ces 26 lettres de l’alphabet qui construisent des histoires, qui racontent le monde, qui nous aident à vivre et qui, à travers les chefs-d’oeuvre, suscitent des frissons révélateurs comme le disait V. Nabokov. (La lecture de Lolita a d’ailleurs été pour moi un éblouissement et une source de questionnements sur la morale en littérature, mais également sur ce que certains font dire aux œuvres qu’ils n’ont pas ou mal lues).


Il fut un temps où mon « honteux » objectif de lecture (de jeune et modeste bloggeuse) était quantitatif ; lire le plus de livre, y compris ceux qui ne m’apportaient aucune satisfaction, la course aux services de presse, aux « likes »...l’effet « réseaux sociaux ».

Aujourd’hui, hormis ce blog (et j’ignore combien vous êtes à le lire), j’ai réévalué mes aspirations à la lumière de la maturité que j’acquiers et au rejet de ces phénomènes numériques sur lesquels nous n’avons plus le contrôle et qui complexifient les situations éducatives. Ainsi, c’est la qualité d’une oeuvre qui prime et l’exigence intellectuelle qui me guide.


Les livres qui m’ont fait apporter de grandes satisfactions depuis le début de l’année 2021 sont les suivants :


- La familia grande de Camille KOUCHNER ; quand la littérature est aussi l’espace où les tabous se brisent et qui engendre des changements dans la société.

- Harry Potter à l’école des sorciers de J. K. ROWLING et dans la magnifique et méticuleuse traduction de Jean-François Ménard ; Ressentir le besoin, quand on atteint l’âge canonique de se replonger dans ce trésor dont le style déborde d’imagination est roboratif. Dense, foisonnant et avec un nouveau concept dans quasiment chaque phrase rend la lecture de Harry Potter jubilatoire. La plume de J. K. Rowling (sous la traduction de J.F. Ménard) sait alterner moments drolatiques et moments graves et d’action. Je me suis surprise à ressentir une certaine tendresse et parfois à être amusée par Severus Snape (autrement appelé professeur Rogue), qui reste mon personnage préféré… voilà pour la confidence.


- Le bal des folles de Victoria MAS (fille de) ; il fut ce temps où une femme qui dérangeait l’ordre public, ou qui naviguait à contre courant des convenances d’une époque était enfermée à la Salpêtrière parmi les malades mentales. Le très beau film « Camille Claudel 1915 » rappelle ce fléau qui s’abattait sur les femmes que l’on qualifiait de sorcières parce qu’elles voulaient s’émanciper ou tout simplement parce qu’elles manifestaient certaines dispositions et une certaine vision de la liberté. Le livre de V. MAS est prenant et follement passionnant et retrace l’histoire d’une jeune femme enfermée dans un asile par son père avec la complicité de sa famille pour avoir fait part à sa grand-mère d’un don lui permettant de voir des personnes mortes. Rien dans la description de la jeune femme ne laisse entendre qu’elle serait atteinte d’un trouble mental ; et toute la délicatesse de la plume de l’auteure nous offre une vision juste de ce personnage féminin plein de ressources pour qui l’empathie nous saisit et nous étreint. Le docteur Charcot avait instauré un rituel qui consistait en une soirée organisée chaque année au sein de l’hopital de la Salpêtrière ou la bonne société venait se mêler à celles qu’on qualifie d’hystériques.


- La voyageuse de nuit de Laure ADLER ; Elle pose l’inéluctable question de la vieillesse et de sa place dans notre société. La vieillesse est-elle une réalité ou un sentiment ? « La vieillesse est elle une sédimentation d’expériences ou des coups portés à la vitalité ? » ; Pas d’euphémisme dans ce livre. Laure ADLER appelle les choses par leur nom et n’hésite pas à se qualifier de vieille tout en nous offrant une vision dynamique de cet état et en ne l’éprouvant pas comme une altération entraînant selon les mots de l’auteure un sentiment de dévaluation et j’ajouterais même disqualification sociale. On ne peut qu’espérer être encore aussi alerte à son âge, 70 ans.

J’ai tendance à croire, et sans nécessairement avoir atteint un « certain âge », comme le dit Flaubert, qu’en prenant de l’âge on gagne en maturité, en sagesse et qu’on sait distinguer l’essentiel de l’accessoire.


- Immunisés de Lise BARNÉOUD, un essai très documenté et qui ne prend aucun parti entre les partisans de la vaccination et ceux qui ont décidé d’être dans la défiance. L’auteure pose simplement un regard rationnel et analyse les passions autour de ce procédé qui, quoi que nous en pensions, a considérablement réduit la mortalité et rendu notre condition d’humain plus vivable face aux ravages provoqués par les agents pathogènes. Que ceux qui pensent que les vaccins sont issus de pochettes-surprises aillent mettre le nez dans des sources d’informations fiables.


- Chien Blanc de Romain GARY (1969), pour ce livre dont je n’aurais vraisemblablement pas les mots pour honorer la qualité de ce texte et la virtuosité de la plume de ce grand auteur, je dirai simplement que chacune des lectures de R. GARY me procure de grandes satisfactions intellectuelles et un ravissement esthétique source de plaisir.


- Peut-on dissocier l’oeuvre de l’auteur de Gisèle SAPIRO ; un thème parmi ceux qui ont secoué l’espace des idées ces dernières années. À juste titre, l’auteur prend le soin en sa qualité de chercheuse au CNRS de poser les sujets avec justesse pour nous amener à enrichir notre réflexion et à porter plus d’attention aux détails qui construisent notre opinion. Pour évoquer les violences faites aux femmes et la réinsertion d’un criminel qui produit une œuvre artistique, G. Sapiro encourage à questionner les conditions de réinsertion des hommes coupables de violences (viol, meurtre, inceste…) afin de distinguer ce qui relève de la réinsertion et ce qui relève de la célébration. En effet, il faut savoir que certaines peines sont assorties d’une peine d’inéligibilité et/ou de la radiation d’une fonction. Qu’en est il pour ceux qui produisent une œuvre que l’on ne prive pas de parole publique ?


- L'anomalie de Hervé le TELLIER, prix Goncourt 2020

- Pyong Yang de Guy DELISLE, la bande dessinée un art à part entière et celui par lequel j'invite mes trois enfants à lire.... Mes choix restent toujours rigoureux.

- L'odyssée d'Hakim de Fabien TOULME, la diversité de certains parcours enrichissent l'expression artistique et le biais du roman graphique permet de capter l'attention du lecteur, qui s'instruit d'autres réalités que mes nôtres.

- Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona CHOLLET, la un des meilleurs manifestes/essais féministes lus ces dernières années.

- une farouche liberté de Gisèle Halimi et Annick Cojean, un des plus brillants et inspirant parcours de femme.

- Combats et métamorphose d'une femme de Édouard LOUIS, un texte beaucoup trop court.

- le livre issu de l'enquête de la revue Society sur l'affaire Xavier Dupont de Ligonnes.... Une enquête très fouillée, bien écrite passionnante publiée en 2020 et qui a fait un carton de vente. Une histoire glaçante dont on peine à élaborer la moindre hypothèse sur ce qu'il est advenu de cet homme. 

- Saturne de Sarah CHICHE, n'en déplaise à ceux qui pensent que l'art n'est pas pourvoyeur d'émotions... Ma littérature l'est ! 

- Le tumulte de Paris de Éric HAZAN, qui sait mieux que lui raconter Paris même si il fait admettre que certaines de ses idées sont assez excentrique, son regard sur la métamorphose de Paris est juste. 





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