Une chambre à soi, Virginia WOOLF, éditions 10-18.(je vous conseille de privilégier la nouvelle traduction de Marie DARRIEUSSECQ avec le titre "un lieu à soi" aux éditions DENOEL)
V. Woolf a grandi dans un milieu social aisé, entourée de beaucoup d'affection jusqu'à la mort de sa mère qui l'a beaucoup affectée quand elle avait 13 ans. En grandissant et après avoir subi vraisemblablement des attouchements sexuels de ses demi-frères, sa fragilité psychique la prédisposera à la dépression nerveuse qui la mènera au suicide en mars 1941.
"Pourquoi un sexe est-il si prospère et l'autre si pauvre? Quel est l'effet de la pauvreté sur le roman?"
À travers ces deux questions, Virginia Woolf pose la problématique de cet essai pamphlétaire publié en 1929. Qu'est-ce qui peut permettre à une femme de devenir un grand écrivain? Qu'est-ce qui peut permettre à sa créativité de se déployer? Sa thèse est qu'il faut disposer d'une pièce à soi et de suffisamment d'argent; "de la liberté et de la paix", or à l'époque du début du 20ème siècle, ce n'est pas chose aisée pour les femmes.
Née en 1882 à Londres, Virginia Woolf n'est pas allée à l'université et ce sera un des grands regrets de sa vie; en revanche, son père Sir Leslie Stephen mettra à disposition de sa fille sa propre bibliothèque et lui permettra ainsi de nourrir sa curiosité intellectuelle et d'exercer son esprit critique. Grâce à une rente qu'elle hérite de sa tante elle pourra se consacrer à l'écriture, développer sa réflexion et être une militante féministe dont les écrits constituent aujourd'hui une oeuvre majeure.
Dans ce texte, qui est une synthèse de conférences prononcées devant des étudiantes à Cambridge, Virginia Woolf se propose d'aborder le thème suivant : "la femme et le roman", en questionnant les conditions propices à la création littéraire, à l'activité intellectuelle plus largement. L'idée qu'elle défend est que si une femme veut écrire elle doit avoir une pièce à elle pour pouvoir travailler tranquillement et être financièrement "indépendante", ce qui à l'époque où elle écrit semble relever de l'utopie et de l'inconcevable.
V. Woolf a grandi dans un milieu social aisé, entourée de beaucoup d'affection jusqu'à la mort de sa mère qui l'a beaucoup affectée quand elle avait 13 ans. En grandissant et après avoir subi vraisemblablement des attouchements sexuels de ses demi-frères, sa fragilité psychique la prédisposera à la dépression nerveuse qui la mènera au suicide en mars 1941.
Elle était une femme privilégiée socialement et en était consciente; en percevant les difficultés des femmes de son temps, elle mènera une réflexion audacieuse et stimulante et essayera de s'affranchir des conventions qui assignent aux femmes leur statut "d'êtres inférieurs".
Son féminisme est plutôt libre et orienté vers une compréhension de ce qui fait perdurer l'inégalité entre hommes et femmes, elle ne pense pas que les femmes sont plus vertueuses que les hommes, mais elle constate assez platement qu'une femme qui a du potentiel intellectuellement ne pourra pas le déployer parce que tout simplement elle sera trop occupée par les tâches ménagères, son mari, ses enfants. V. Woolf ne se focalise pas sur une explication essentialiste pour comprendre pourquoi peu de femmes sont écrivains et son idée-force réside dans la possibilité pour elles de bénéficier d'une indépendance financière et de la liberté d'expression. Woolf se sent investie du devoir de témoigner de son époque et nous fait comprendre que les femmes "se conforment à certaines injonctions parce que le poids social est tellement lourd" (Marie Darrieussecq)
Une des questions qu'elle soulève dans cet essai est "qu'est-ce que les femmes auraient pu écrire si elles avaient eu accès au monde comme un Tolstoï par exemple?" ainsi elle écrit :
V. Woolf exprime des idées qui aujourd'hui peuvent nous sembler être des banalités, à savoir que les femmes aspirent à autre chose que les intérêts domestiques, mais qui à son époque constituent les prémices d'une pensée qui oeuvrera à libérer les femmes, à créer les conditions favorables à l'invention de leurs vies, à leur permettre de reprendre possession de leur destin. Elle qui a grandi et évolué au milieu de couples homosexuels et qui vivra elle même une passion avec une femme (Vita Sackville-West), choisira d'ailleurs de ne pas avoir d'enfants et critiquera les femmes qui donnent naissance à une abondante progéniture.(et sur ce point je suis d'accord avec Virginia, les femmes doivent s'autoriser à avoir des aspirations personnelles, doivent pouvoir s'épanouir en dehors de leur unique rôle de mère ou d'épouse).
Dans ce pamphlet aux allures de roman, elle s'interroge aussi sur l'identité des femmes, puisque au-delà du fait d'avoir une pièce à soi pour se livrer à la création littéraire, les femmes ne disposent pas d'espace matériel et temporel pour réfléchir à ce qu'elles sont, à ce qu'elles veulent. V. Woolf associe l'acte de création chez une femme, à cette époque, à un acte révolutionnaire, et je cite Marie Darrieussecq qui dit (en parlant de l'oeuvre de Virginia Woolf) "il faut qu'à l'origine de la création il y ait une force hors du commun pour arriver à s'affirmer dans son temps...au-delà du féminisme pointe la question sociale, car avoir sa propre pièce pour écrire est révélateur de la condition dans laquelle vivent les femmes..."
Je pourrais citer dans un autre domaine que la littérature, l'exemple de Camille CLAUDEL, sculptrice de génie qui à la fin du 19ème siècle, très jeune, a été repérée par Auguste RODIN (ce dernier a été le professeur particulier de la jeune femme) et qui, pourtant, passera trente années de sa vie enfermée dans un asile psychiatrique...une femme brillante est-elle destinée à mourir dans une grande souffrance psychique? Cela occulte-t-il de ce fait son apport à la création artistique de son temps?
Virginia Woolf a, toute sa vie, lutté contre la souffrance psychique, elle a souffert de bipolarité, d'hallucinations auditives sans que, pour autant, cela ait eu un impact sur la qualité de son travail; en effet, on voit qu'il y a "de la tenue" dans ses écrits, qu'elle ne s'autocensure pas et que d'une certaine manière il y a des traits d'humour assez saillants dans "une chambre à soi" qui nous la font voir sous un autre jour.
Je parle d'humour ou d'ironie parce que dans la nouvelle traduction de cet essai par Marie DARRIEUSSECQ, la lecture du texte (paraît-il) retrouve une dynamique, une fraîcheur qui faisaient défaut à la traduction initiale la plus connue. Dans son récent travail de re-traduction, M. Darrieussecq a également modifié le titre qui n'était pas juste (à vrai dire c'est ce qui m'avait frappée quand je me suis rendue compte qu'effectivement le mot "room" ne se traduit pas par "chambre" en français mais plutôt par "pièce"). Ainsi "un lieu à soi" semble plus approprié puisqu'il peut s'agir de n'importe quel espace de liberté et non pas uniquement d'une chambre qui contient quand même une certaine connotation. Pour Virginia Woolf, "la liberté intellectuelle dépend des choses matérielles" et même si cette affirmation peut se discuter, elle défend bien sa thèse.
Sans fougue ni exaltation mais avec subtilité, un voile d'humour et du bon sens, Virginia Woolf nous livre ses réflexions sur la femme et la création littéraire et par extension sur la place de la femme dans la société du début du 20 ème siècle.
Je m'arrête là même s'il reste tellement de choses à dire, sinon je pourrais encore disserter longuement tant cette femme m'inspire et tant ce texte est lumineux, stimulant et source de réflexions multiples.
Son féminisme est plutôt libre et orienté vers une compréhension de ce qui fait perdurer l'inégalité entre hommes et femmes, elle ne pense pas que les femmes sont plus vertueuses que les hommes, mais elle constate assez platement qu'une femme qui a du potentiel intellectuellement ne pourra pas le déployer parce que tout simplement elle sera trop occupée par les tâches ménagères, son mari, ses enfants. V. Woolf ne se focalise pas sur une explication essentialiste pour comprendre pourquoi peu de femmes sont écrivains et son idée-force réside dans la possibilité pour elles de bénéficier d'une indépendance financière et de la liberté d'expression. Woolf se sent investie du devoir de témoigner de son époque et nous fait comprendre que les femmes "se conforment à certaines injonctions parce que le poids social est tellement lourd" (Marie Darrieussecq)
Une des questions qu'elle soulève dans cet essai est "qu'est-ce que les femmes auraient pu écrire si elles avaient eu accès au monde comme un Tolstoï par exemple?" ainsi elle écrit :
...et nous devons accepter le fait que Villette, Emma, Les hauts de Hurlevent, Middlemarch, ces bons romans, furent écrits par des femmes qui n'avaient de la vie que l'expérience qui pouvait entrer dans la maison d'un respectable pasteur;...On voit ainsi aisément ce qu'elle cherche à nous faire comprendre, à savoir que si de grandes écrivaines comme Jane AUSTEN ou les soeurs BRÖNTE avaient pu voyager, faire la guerre ou avoir une plus grande expérience, elles auraient pu en dire davantage dans leurs romans et créer des chefs d'oeuvre. D'ailleurs, elle nous décrit les conditions dans lesquelles Jane Austen écrivait, à savoir dans une pièce commune, sans cesse interrompue et cachant sous "un papier buvard" ses écrits pour qu'on ne les voit pas.
V. Woolf exprime des idées qui aujourd'hui peuvent nous sembler être des banalités, à savoir que les femmes aspirent à autre chose que les intérêts domestiques, mais qui à son époque constituent les prémices d'une pensée qui oeuvrera à libérer les femmes, à créer les conditions favorables à l'invention de leurs vies, à leur permettre de reprendre possession de leur destin. Elle qui a grandi et évolué au milieu de couples homosexuels et qui vivra elle même une passion avec une femme (Vita Sackville-West), choisira d'ailleurs de ne pas avoir d'enfants et critiquera les femmes qui donnent naissance à une abondante progéniture.(et sur ce point je suis d'accord avec Virginia, les femmes doivent s'autoriser à avoir des aspirations personnelles, doivent pouvoir s'épanouir en dehors de leur unique rôle de mère ou d'épouse).
Dans ce pamphlet aux allures de roman, elle s'interroge aussi sur l'identité des femmes, puisque au-delà du fait d'avoir une pièce à soi pour se livrer à la création littéraire, les femmes ne disposent pas d'espace matériel et temporel pour réfléchir à ce qu'elles sont, à ce qu'elles veulent. V. Woolf associe l'acte de création chez une femme, à cette époque, à un acte révolutionnaire, et je cite Marie Darrieussecq qui dit (en parlant de l'oeuvre de Virginia Woolf) "il faut qu'à l'origine de la création il y ait une force hors du commun pour arriver à s'affirmer dans son temps...au-delà du féminisme pointe la question sociale, car avoir sa propre pièce pour écrire est révélateur de la condition dans laquelle vivent les femmes..."
Je pourrais citer dans un autre domaine que la littérature, l'exemple de Camille CLAUDEL, sculptrice de génie qui à la fin du 19ème siècle, très jeune, a été repérée par Auguste RODIN (ce dernier a été le professeur particulier de la jeune femme) et qui, pourtant, passera trente années de sa vie enfermée dans un asile psychiatrique...une femme brillante est-elle destinée à mourir dans une grande souffrance psychique? Cela occulte-t-il de ce fait son apport à la création artistique de son temps?
Virginia Woolf a, toute sa vie, lutté contre la souffrance psychique, elle a souffert de bipolarité, d'hallucinations auditives sans que, pour autant, cela ait eu un impact sur la qualité de son travail; en effet, on voit qu'il y a "de la tenue" dans ses écrits, qu'elle ne s'autocensure pas et que d'une certaine manière il y a des traits d'humour assez saillants dans "une chambre à soi" qui nous la font voir sous un autre jour.
Je parle d'humour ou d'ironie parce que dans la nouvelle traduction de cet essai par Marie DARRIEUSSECQ, la lecture du texte (paraît-il) retrouve une dynamique, une fraîcheur qui faisaient défaut à la traduction initiale la plus connue. Dans son récent travail de re-traduction, M. Darrieussecq a également modifié le titre qui n'était pas juste (à vrai dire c'est ce qui m'avait frappée quand je me suis rendue compte qu'effectivement le mot "room" ne se traduit pas par "chambre" en français mais plutôt par "pièce"). Ainsi "un lieu à soi" semble plus approprié puisqu'il peut s'agir de n'importe quel espace de liberté et non pas uniquement d'une chambre qui contient quand même une certaine connotation. Pour Virginia Woolf, "la liberté intellectuelle dépend des choses matérielles" et même si cette affirmation peut se discuter, elle défend bien sa thèse.
Sans fougue ni exaltation mais avec subtilité, un voile d'humour et du bon sens, Virginia Woolf nous livre ses réflexions sur la femme et la création littéraire et par extension sur la place de la femme dans la société du début du 20 ème siècle.
Je m'arrête là même s'il reste tellement de choses à dire, sinon je pourrais encore disserter longuement tant cette femme m'inspire et tant ce texte est lumineux, stimulant et source de réflexions multiples.
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