Le pragmatisme des jours prévaut sur la gratuité du rêve…
Ou comment j'observe depuis deux décennies comment est organisé l’échec des élèves de notre pays!
Pour clore l’année scolaire, je souhaite remercier les équipes pédagogiques et éducatives de mes enfants pour tout ce qu’elles ont transmis au cours de cette année scolaire. Elles ont su prendre soin des élèves et leur assurer une bonne année scolaire… La qualité de leur encadrement et l’attention au bien-être de chacun sont réelles et très appréciables. Il est indéniable que l'école maternelle et l'école élémentaire sont bien gérées. Nos enfants vont à l’école avec plaisir, aucun problème insurmontable ne m'est apparu; nous avons une direction et des enseignants qui sont toujours à l’écoute, et très attentionnés. Il faut aussi savoir le dire quand on est satisfait, et c’est la moindre des choses que d’être reconnaissants vis-à-vis de ceux qui instruisent et prennent soin de nos enfants. C’est pourquoi je tiens à les en remercier chaleureusement. On souhaite que dans toutes les écoles cela se passe aussi bien que pour nous.
Cela étant dit, cette publication aura pour objectif d'évoquer mes propres observations. La critique concernera donc non pas l’établissement dans lequel sont scolarisés mes enfants mais le système scolaire dans sa globalité, ainsi que la "dégringolade" du niveau de nos écoliers. Cette dernière s’opère depuis quelques décennies sans que cela ne fasse l’objet d’une réelle remise en question pour appréhender et travailler les réelles causes de ce naufrage. Sans entrer dans des détails chiffrés, je souhaite exprimer un mécontentement pour ce déclin que beaucoup ont observé.
Au risque de paraître quelque peu conservatrice dans mes idées – d’une manière générale, je ne le suis pas, mais en ce qui concerne l’école, je le suis – laissez-moi vous parler de ma grand-mère qui était jurassienne. Née en 1906, elle n’est pas allée au-delà du certificat d’études, vous saurez ainsi à quel âge sa formation n’est pas allée plus loin. Pas d’études, donc pas de métier. Elle a épousé mon grand-père, un médecin tunisien, et a été mère au foyer. Quand je repense à tout ce qu’elle m’a appris quand j’étais enfant, je revois ses écrits, son orthographe irréprochable, sa grammaire soignée, sa syntaxe parfaite et ses phrases pleines d’esprit. Je me plais à penser que ceci m’a été transmis par elle, certes, mais aussi par l’école dans laquelle j’ai grandi. Peut-on en dire autant aujourd’hui pour notre jeunesse, qui arrive à l’université avec des lacunes énormes et échoue massivement, inévitablement, en première année universitaire ?
La crise que connaît aujourd’hui l’université n’est pas sans lien avec le fait que les étudiants n’ont plus un niveau suffisant pour suivre dans le supérieur. Croire à la tartufferie des 90 % de réussite au bac, c’est oublier que l’on déplore 50 % d’échec en première année universitaire… Une sélection s’opère donc, quoi qu’on en dise, tôt ou tard ! Et cette sélection se fait par l’échec… Le droit à une place en fac est tout autant une fiction que l’est le taux élevé de réussite au bac. Un bac accordé à 90 % des élèves est un « bac au rabais », un diplôme de qualité médiocre, le taux tout aussi élevé d’échec en première année de fac n’en est que l’implacable preuve.
D’où la nécessité de repenser l’accès à l’université par une sélection quoi qu'on pense de ce terme. Il existait une exception française en matière d’excellence scolaire, qui aujourd’hui, et notamment avec la loi d’orientation de 1989, a disparu. Toutes ces politiques œuvrant pour l’égalité des chances ont échoué. Le souci d’égalité d’accès à l’école, à l’université, etc., s’est finalement avéré inefficace, pire : il s’est montré contre-productif car procédant clairement d’un nivellement par le bas, avec des notions de droit au diplôme, de droit à une place en fac. Or les inégalités naissent avant mêmes le lycée ou l’université. Pourquoi les élèves issus de milieux défavorisés abordent-ils l’université en étant moins bien formés ? Car en amont le système scolaire n’a pas su leur transmettre le savoir.
J’en veux pour preuve une aberration : Que penser du fait que les fautes des élèves ne sont plus toutes relevées dans leurs copies, sinon les résultats seraient catastrophiques ? ! (je l'ai vu lors de correction de copies notamment au brevet des collèges) et c'est un exemple parmi tant d'autres.
Et pourquoi ce système n’a pas su transmettre le savoir ? Car il n’a pas su transmettre de valeurs telles que l’effort, le travail, le résultat, le mérite, etc (tout ce que pourtant l'on exige d'un sportif) ; le devoir d’exigence n’a plus droit de citer, la construction intellectuelle de nos enfants devra passer par le milieu familial quand celui-ci est en mesure d’y oeuvrer… En cela, c’est tout le système éducatif français qu’il faut repenser. Voilà pourquoi je dénonce l’idée encore une fois démagogique de vider de sa substance l’école d’aujourd’hui.
Laissez-moi vous conter encore une autre anecdote personnelle. Elle pourrait paraître incongrue en France, mais ce serait faire preuve de cécité sur ce qu’il se passe ailleurs dans le monde. En Tunisie tous les élèves, avant d’entrer en cours, se rassemblent pour chanter l’hymne tunisien et hisser le drapeau. Si bien que quand mon fils aîné était petit (3/4 ans) et qu’on se rendait en Tunisie hors période de vacances, mon fils a appris l’hymne tunisien en écoutant par la fenêtre les haut-parleurs des écoles alentour. Où est-ce que je veux en venir avec cette histoire ? Eh bien j’entends illustrer l’idée selon laquelle, en ces temps de crise, il serait opportun de rallier les individus autour d’un socle, de développer le sentiment d’appartenance, et de faire de l’école un sanctuaire. C’est ceci qui me paraît pouvoir répondre aux besoins du système scolaire français actuel, si tant est que la volonté politique y soit, et lorsqu’elle existe, qu’elle emporte le courage d’affronter un dossier effrayant parce qu’épineux, sensible. Mais n’en vaut-il pas la peine ? Les valeurs fortes rendent une nation plus fortes et plus unie.
Nous observons un réel déclin de notre système scolaire, pour lequel les différentes réformes qui se succèdent n’apportent pas de réponses à des inégalités qui se creusent, à un niveau des élèves qui baisse. Pourtant les chiffres sont là : les différentes enquêtes internationales révèlent la crise profonde que traverse notre système.
Lorsque j’ai tenté de sonder la façon dont les parents envisagent leurs missions de représentants de parents d’élèves, j’ai eu le sentiment qu’on se limitait à la composition du repas des cantines, sujet au demeurant important, mais j’ose espérer que les pouvoirs publics se soucient de ce qu’ils mettent dans l’assiette de nos enfants; Non, ce que je voulais, c’était aborder les questions de fond, or j’ai constaté que les associations de parents d’élèves relèvent davantage du "m’as-tu-vu ?" que d’une réelle volonté d’embrasser des causes de fond quant à la scolarisation de nos enfants ! Mon opinion se fonde essentiellement sur une expérience professionnelle au sein de l’éducation nationale ; et en tant que parent j’ai aussi tenté de connaître les réelles motivations de ceux qui se portent candidats pour être élus représentants des parents d’élèves. Et il s'est avéré que beaucoup ignorent qu'une crise existe. On m'a récemment parlé de demander des atsems pour une classe de grande section sachant qu'il y en a plusieurs dans l'école et dans la ville et que le caractère irréalisable de la demande( pas si bien fondée que cela) a eu du mal à se faire entendre par les parents à l'initiative de cette démarche ...je n'entre pas dans les détails mais on marche sur la tête !
Les associations de parents d’élèves, "officines financées pour imposer des vues pédagogiques toxiques et stériles", ont œuvré pour faire de l’école une annexe du domicile et pour faire péricliter l’autorité de l’enseignant, de l’instituteur, de celui qui permet de tenir droit. Ainsi aujourd’hui l’enseignant doit-il se tenir à côté de l’élève et non pas au-dessus, ce qui pourtant naturellement irait de soi puisque son savoir le place justement au-dessus de ceux qui ne l’ont pas encore acquis !
Conscients de cette crise et du désengagement de l’école sur un certain nombre d’exigences depuis une trentaine d'années (notes, apprentissage par cœur, dictée, rédaction, récitation, grammaire…), voire de valeurs (effort, mérite, émulation, réussite…), certains parents se surinvestissent dans la scolarité de leurs enfants et cela a pour conséquence de cesser d’avoir un effet positif sur le développement de ces derniers. Il y a un laisser-aller qui cède à la démagogie. Il est possible de dédramatiser l’erreur sans négliger le sens de l’effort, cela s’appelle de la pédagogie et implique une formation solide des enseignants.
Appréhendant mon rôle de parent dans une de ses dimensions majeures qui est la réussite et l’épanouissement de mes enfants, j’ai à cœur de pallier les carences de notre système et de ne pas céder à la démagogie qui veut que l’on flatte ce qu’il y a de plus médiocre. Au lieu d’évoquer Jacques Brel, Alain Souchon ou « les demoiselles de Rochefort » comme patrimoine de la culture française, on les ramène, « pour les intéresser », à ce que les enfants connaissent déjà, des pseudo-chanteurs bas de gamme de notre époque qui n’ont rien à proposer que des reprises insipides des plus grands noms de la chanson française. Je m’insurge contre cette idée selon laquelle « les enfants doivent vivre avec leur temps » et qui veut que tout ce qui fait la beauté et la grandeur de la culture française doit être oubliée parce que "c’est du passé" ! Mon capital culturel ainsi que les nombreuses activités pratiquées par mes propres enfants les préserveront et leur permettront de s’élever au-dessus des insuffisances de notre temps. Qu’en est-il de l’écrasante majorité qui ne pourra s’élever que par l’école, une école qui aujourd’hui ne leur donne plus que le minimum ?
Comment mettre à la disposition de tous les élèves de l’école républicaine un savoir riche, exigeant, rigoureux, tout en favorisant l’autonomie, l’initiative, la créativité sans entrer en conflit avec l’institution éducative et sans être en permanence en confrontation avec une modernité qui asservit plus qu’elle ne libère ? Comment sortir du vertige minimaliste pour ne pas creuser davantage les écarts entre ceux qui bénéficient d’un capital culturel au sein de leur famille et ceux qui ne peuvent s’élever que par l’école ?
La filière professionnelle, si mal considérée alors qu’elle pourrait répondre aux attentes et former des élèves qui n’ont pas le profil pour suivre dans un cursus général, pourquoi ne pas la revaloriser et en finir avec le collège unique. 150 000 élèves sortent de la troisième et du système sans rien dans les poches… et dans la tête.
L’école doit préparer les futurs citoyens et offrir à tout un chacun la possibilité de s’accomplir, l’accomplissement de soi étant au demeurant le but de toute éducation. L’instruction publique ayant glissé vers l’éducation nationale, la République doit également dans ce sens instruire et éduquer.
Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’éducation nationale, parle de réintroduire l’uniforme à l’école, idée qui fait grincer des dents et contre laquelle s’élèveront à n’en point douter les pédago-démagogues et associations de parents d’élèves. Pourtant le Ministre envisage cette idée afin de restaurer la "sacralité" de l’espace de l’école, et de faire adhérer tout un chacun à un pacte d’éducation ; car qu’est-ce que l’éducation ? Ouvrons un dictionnaire (si, si, soyons fous !) : l’éducation se définit comme « l’action de former un enfant, en développant et en dirigeant ses facultés intellectuelles, physiques et morales ». Morales. Il faut redonner à l’école sa vocation d’élévation sociale et intellectuelle, lui permettre de réintroduire des valeurs. Et ce ne sont pas là des idées de droite ! Juste du bon sens ! Et le mot « méritocratie » n’est pas un gros mot. Que signifie-t-il ? Et contre quoi s’élève-t-il ? Il signifie qu’un diplôme s’obtient par l’effort et le travail, il signifie que la compétition n’est pas une vilenie mais induit que celui qui fournit le plus d’effort se voit le plus récompensé. La méritocratie s’élève contre l’idéologie victimaire répandue, grandissante, parfois inculquée par le professorat lui-même, qui pose comme postulat que tout élève est créancier de toute une liste de droits parmi lesquels figure le droit au diplôme. Car le résultat d’une telle pensée aboutit exactement à l’inverse de son objectif : l’élève obtient un diplôme médiocre, qui le défavorise dans son accès à l’université puis dans son accès à l’emploi. Le goût de l’effort, l’envie de développer ses talents, voilà ce qu’il faut transmettre à nos enfants, et c’est l’objectif que doit poursuivre le système scolaire. L’école doit pouvoir dire à tout élève : j’exige de toi, à chaque étape de ta scolarité, des résultats et des acquis correspondants à ton niveau, Il y a suffisamment de dispositifs d’aides particulières dans les établissements scolaires pour qu’aucun élève, moins bien armé, socialement ou autrement, soit laissé sur le bas-côté du fait d’une telle exigence, exigence qui relève de l’essence même de l’instruction… pour ne pas dire du bon sens.
Dans cette notion de sacralité de l’école, l’idée c’est de faire adhérer les Français, par des symboles forts, aux valeurs républicaines, leur redonner un sentiment d’appartenance, souder les élèves, gommer les différences sociales et se recentrer sur le savoir. N’oublions pas que les auteurs des attentats terroristes qui nous ont endeuillés ces dernières années furent des individus qui ont passé de nombreuses années sur les bancs de notre école. C’est le savoir qui doit être au cœur du système, et non l’élève. Il va de soi que j’attends de l’école qu’elle accueille mes enfants avec bienveillance, nous ne les confions pas à des tortionnaires que je sache, mais je ne suis pas contre l’idée qu’elle emploie autorité, justesse et transmission du goût de l’effort.
Certains parents fuient le public pour le privé, refusant, à juste titre, de compromettre l’avenir de leurs enfants sous prétexte de répondre aux injonctions de mixité quand l’État a failli dans ses missions éducatives. Je refuse d’hypothéquer l’avenir de mes enfants. Et l’école républicaine n’étant plus l’école d’autrefois, je ferai une sélection notamment pour le collège en choisissant l’établissement dont le taux de réussite est élevé, l’établissement qui proposera aux élèves des options intéressantes, l’établissement qui n’aura pas renoncé aux langues mortes (ou plutôt muettes), rien de ce qui constitue les fondations de notre civilisation ne peut être considéré comme mort, superflu ou dépassé.
Pour finir, il me tient à cœur d’exprimer ici tout le mal que je pense du dopage numérique qu’on inflige à nos enfants en introduisant ordinateurs et autres tablettes à l’école et dans les bibliothèques municipales, signifiant à nos enfants que le monde vit au travers de la révolution numérique. Et ce à l’heure où nous autres, parents responsables, nous efforçons tant bien que mal de faire lire les enfants et à ramener le temps scolaire à plus de lenteur, de contemplation, contre le temps de la vitesse, du zapping qu’insuffle notre société hyper connectée. Il a été démontré que l’omniprésence des écrans a fait chuter la capacité des enfants – et des adultes d’ailleurs – à retenir des informations. Les supports numériques ont été introduits dans les écoles et bibliothèques alors qu’ils n’ont pour l’heure jamais prouvé leurs bienfaits pédagogiques ; sans parler qu’une telle introduction ruine les efforts de parents comme moi qui souhaitent faire découvrir à leurs enfants la fiction par la lecture et leur faire profiter de toutes les vertus et bénéfices qu’ils pourront en tirer. Aujourd’hui l’école publique ne va pas dans ce sens quand il s’agit de dire que tout élève a le droit d’avoir un accès à une tablette sous prétexte qu’il faut vivre avec son temps ! Ce genre d’argument ne peut qu’exaspérer le parent que je suis !
Là encore, ce n’est pas du conservatisme, mais bien au contraire une volonté d’inculquer une ouverture d’esprit à nos enfants plutôt que de leur dire : « ton monde est comme ça, vit avec ton temps ». Il y a tellement de choses à enseigner à nos enfants, et des choses « de leur temps », de leur génération. En guise d’illustration, pourquoi ne pas proposer aux enfants des petites sessions d’initiation aux notions élémentaires de secourisme, j’entends par là leur transmettre quelques gestes simples qui peuvent sauver une vie, des apprentissages qui resteraient à leur portée d’enfants. La réalisation d’un journal est également une idée qui pourrait mettre les élèves dans une posture créatrice : sélectionner des faits importants, vérifier leur véracité, collaborer avec les camarades pour trouver les titres, les illustrations, les sujets, etc. Pourquoi ne pas aborder le harcèlement scolaire qui sévit sur les réseaux sociaux en échappant parfois à la vigilance des parents ? Notamment pour les élèves qui vont entrer au collège, une sensibilisation aux dangers des nouvelles technologies, dangers pour leur santé, mais aussi en matière de mauvais usage que l’on peut faire des réseaux sociaux. Certes, les parents sont fréquemment alertés, d’où leur méfiance à l’égard des écrans, mais puisque l’école introduit le numérique dans ses classes, elle a donc aussi le devoir d’éduquer à l’utilisation de ces nouvelles technologies qui sont aujourd’hui omniprésentes dans nos vies, mais aussi d’enseigner la vigilance en la matière !
Pour reprendre des mots glissés dans un film burlesque de Buster Keaton, le temps présent est le temps « de la rapidité, de l’envie et de l’avarice !.... Le constat est sombre mais restons optimistes...
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