Pièce phare de ces derniers mois, cette histoire tragique brillamment et puissamment interprétée par Sylvie Testud, nous plonge dans l'enfer de la vie disloquée d'une femme à qui la vie n'a pas fait de cadeaux.
Adaptation du livre de Valérie Bacot, cette pièce est portée par la force d'interprétation de Sylvie Testud qui nous bouleverse et qui néanmoins donne à voir la force de caractère d'une femme violentée par les hommes et par la société et qui a su faire preuve de cette résilience qu'on utilise aujourd'hui à toutes les sauces, mais qui consiste bien à se remettre droit après avoir été tordu, brisé, autrement dit à surmonter un choc traumatique en puisant les ressources pour retrouver le chemin de la reconstruction, de la vie. Elle s'est retrouvée suite à de nombreuses années de violences subies face à la question qui met en jeu une existence : c'est lui ou moi ?
Le choix elle l'a fait, et c'est sa vie qu'elle a sauvée en tuant celui qui l'aurait tuée tôt ou tard.
La force d'interprétation de S. Testud, nous montre l'intériorité de la victime avec une rare finesse et efficacité. Comment sortir de l'emprise d'un homme ? Comment lutter contre un système qui ne vous croit pas ? Comment tenir quand votre entourage sait mais n'agit pas ? Comment la propre mère de Valérie Bacot lui demande de quitter son domicile quand elle tombe enceinte de cet homme qui était le compagnon de sa mère et qui la violait depuis qu'elle avait 12 ans ? Stupeur et tremblements.
Comment au final juger une femme qui n'avait plus d'autre choix que se faire justice elle-même ?
Cette pièce est un véritable coup de poing, une prise de conscience de plus de la réalité que vivent des millions de femmes et c'est pour cela que j'aime le théâtre ; parce qu'il nous permet de sortir de notre zone de confort, parce qu'il bouscule les consciences, parce qu'il fait réfléchir, un partage d'expériences, une connexion avec une altérité forte. Finalement, peu de personnes dans l'entourage de V. Bacot ont fait preuve de qualités morales.
La metteure en scène Elodie Wallace a su faire de cette histoire un objet théâtral qui nous fait vivre 1h30 en apnée, parce qu'on tremble avec son personnage, parce qu'on respire avec elle, parce qu'on a peur pour elle, parce qu'on ressort du théâtre indignée par ce que les hommes et la justice ont fait subir à cette femme.
Une dualité surgit dans cette pièce dans la mesure où quand la victime prend la parole, face aux gendarmes qui la reçoivent, à une adjointe du maire, elle n'est pas entendue et le silence lourd qui a parfois règne dans la salle a donné le sentiment d'une colère générale, d'une émotion palpable et de solidarité avec la victime... Culpabilité, honte, cette femme quelque part avait l'impression qu'elle était indigne d'être bien traitée.
Cependant, il est à noter que cette pièce n'est pas qu'une plaidoirie contre un homme ou un système masculiniste, mais également contre toutes celles qui en' tant que témoin ont détourné le regard et qui parfois ont elle été complices dans le système de surveillance que ce bourreau avait mis en place autour de Valérie Bacot.
"Tout le monde savait", au théâtre de l'œuvre, du 4 octobre au 30 décembre 2022.
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