Dans ce nouvel essai, Fathia Agag-Boudjahlat dénonce la victimisation et l'assignation identitaire chez les jeunes générations qui ne reconnaissent plus le socle de valeurs républicaines et son triptyque "liberté, égalité, fraternité"; cet héritage ne leur parle plus et le repli identitaire comme rejet et affirmation de soi accentuent la fracture au sein de la société française.
Pourquoi le modèle universaliste français connaît il une telle désaffection ?
Dans ce troisième essai, F. Boudjahlat revient avec sa verve tonitruante et son intelligence républicaine et parfaitement aiguisée et poursuit sa réflexion sur la laïcité, l'universalisme, le modèle républicain et la crise de défiance des jeunes générations vis à vis d'un pays qui les a vus naître.
Aimer la France aujourd'hui signifie-t-il être "complice du pouvoir dominateur"? doit-on perpétuellement porter les stigmates d'une époque que nous n'avons pas connue en refusant l'enracinement dans un pays qui, outre la qualité de vie qu'il nous offre n'est pas qu'un "guichet de service" mais un ensemble de valeurs ? pourquoi prolonger l'entreprise coloniale ?
Faut-il cultiver les différences à en ethniciser l'enseignement ? Au point qu'étudier Molière reviendrait à être discriminant ou véhiculant des valeurs inassimilables par les non blancs ? voilà comment F. Boudjahlat analyse brillamment dans cet essai, avec tout son militantisme et la rigueur intellectuelle de son métier de professeur d'histoire-géographie, les ressorts de cette accumulation de traumas pour cultiver sa différence/ses différences et empêcher les jeunes générations un enracinement. L'assignation à une identité et le "patriotisme cocardier" affiché envers les pays d'origine qui ne sont que des lieux de villégiature, deviennent les vecteurs d'une crise qui empêche la réflexion et fait peser les engagements sur un rejet des valeurs considérées comme occidentales.
"Chacun ses traumas. Ils ne nous définissent pas et ne construisent pas une trajectoire. Ils peuvent l'éclairer cependant."
Comment donner du sens à l'amour pour la France sans être en permanence entretenu dans un conflit de loyauté vis à vis du pays des origines ? peut-on encore croire qu'aujourd'hui chaque enfant des classes populaires issu de l'immigration a plus d'efforts à faire que ceux des classes privilégiés pour avoir accès aux mêmes opportunités ? et si nous le croyons, quels sont les courants qui traversent la société et nous amènent ces enfants à renoncer aux mêmes chances d'élévation sociale?
F. Boudjahlat essaye d'y répondre dans ce brillant essai "républicain" que je vous encourage vivement de lire.
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Les Nostalgérides de Fathia AGAG-BOUDJAHLAT paru aux éditions du Cerf, le 15 avril 2021, 139 pages, 16 euros.
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