Ma part de Gaulois, Magyd CHERFI (récit), éditions Actes Sud, rentrée littéraire 2016, 258 pages.
Résumé des éditeurs
Et c'est dans ce quotidien que Magyd et ses acolytes ont appris à vivre et à ignorer les noms qu'on leur donnait dans leur cité entre "pédés", "salope" "traitre"...parce qu'un jeune homme qui aime l'école, qui aime la littérature, la langue française ne peut qu'être dénué de virilité et assimilé à l'ennemi (la femme, l'homosexuel ou le français). L'ennemi c'est aussi cette langue que les autres n'ont pas et qui les fait basculer dans la violence.
Magyd Cherfi nous dresse ici le portrait d'une époque, l'année 1981 avec l'accession de François Mitterrand au pouvoir représentant un danger pour les anciens qui l'ont connu à certaines fonctions pendant la guerre d'Algérie et l'espoir d'une société plus juste et d'élévation sociale pour les enfants d'immigrés.
Dans cette chronique de l'année 1981, l'auteur raconte avec gravité, passion et humour sa vie dans la cité des Izards de Toulouse, où il a été le premier fils d'immigrés algériens à obtenir son bac, et un bac littéraire qui plus est. Dans ce tableau, Magyd Cherfi dresse la liste de tout ce qui forme les problèmes des immigrés et de leurs enfants dans les banlieues françaises et soulève de nombreuses réflexions : comment appartenir à la République quand on s'appelle Magyd? Comment se sentir français sans avoir à renier ses origines et risquer l'opprobre de la part des habitants du quartier? Comment organiser un lien social visant à apporter un soutien scolaire aux élèves en difficultés et faire sortir les filles de chez elles? Quelle identité se choisir ou se construire? Comment oser parler un beau langage quand tout dans ce quartier vous ramène à une espèce de baragouinage qui vous écorche les oreilles? au final c'est à la question "qu'est-ce qu'être français aujourd'hui?" que Magyd Cherfi nous invite à réflechir. Le sujet est d'autant plus pertinent qu'il résonne avec l'actualité.
Magyd Cherfi se questionne en permanence dans son récit, il temporise, essaye de ne pas trop prendre de hauteur et ne montre pas toutes ses capacités, parce qu'il a tout simplement honte d'être le meilleur; il en vient même à douter de ses capacités pour ne pas se sentir en décalage avec les autres qui échouent. Il souligne un travers intrinsèque à ceux qui ne se reconnaissent pas dans la nation française, c'est le règne de la médiocrité, pour ne pas passer du côté du dominant, de l'ex-colonisateur, il ne faut pas lui ressembler. Il faut rester en bas et ne pas chercher à s'élever...drôle de raisonnement!
Ce récit c'est celui de la quête identitaire, de l'amour de la langue, de la poésie, de l'affirmation de l'appartenance à un pays et de la reconnaissance dans ses valeurs; ce récit c'est aussi l'engagement pour un féminisme à l'époque où afficher ses convictions pouvait lui valoir un passage à tabac. Voici un de mes passages préférés " [...]à la maison j'interdisais à mes soeurs de prendre le balai. Le balai, je le passais moi-même, j'avais peur qu'elle s'accroche à des réflexes de boniches, alors on finissait par un partage des tâches ménagères, un truc même pas équitable, mais elles se sentaient épaulées [...] non mais ça m'énerve, j'aime pas ce réflexe qu'elles ont de toujours faire le ménage".
Aujourd'hui le problème des banlieues n'est pas résolu, celui de l'école non plus, même si évidemment il y a beaucoup plus de "Magyd" qui obtiennent leurs bacs. Les crispations identitaires et la stigmatisation sont plus que jamais des poisons qui consument le "vivre-ensemble" et avec son écriture très enflammée et décapante Magyd Cherfi nous donne à voir les échecs politiques d'un pays qui n'a pas eu des responsables à la hauteur de ses enjeux.
Magyd Cherfi conclut en trouvant sa place, son identité et son but "comme le monde s'ouvrait à moi j'ai fait de mon fardeau des ailes, de mes blessures un boucliers, de mes fêlures identitaires deux richesses dans lesquelles s'est engouffrée la seule idée qui vaille, l'universel"...à méditer.
POUR FINIR /
Présent sur la liste des sélectionnés pour le prix Goncourt, ce livre au style coloré permet de comprendre une situation épineuse, celle de l'identité tiraillée entre deux rives, celle l'appartenance à la République française, celle de l'intégration, celle du communautarisme qui prend aujourd'hui d'autres formes et qui ne met pas au centre du pacte social, le respect des valeurs républicaines qui permet de constituer un "peuple", une "nation" et d'envisager un avenir commun; ce qui ne veut pas dire dilution d'une partie de son identité parce qu'elle est aussi une richesse. L'équilibre est difficile à trouver pour Magyd au début des années 80 et pour une partie d'entre nous encore aujourd'hui.
Magyd Cherfi donne une bonne leçon à ceux qui à son époque ont intériorisé leur échec et ont voulu contaminer ceux qui voulaient prendre de la hauteur, à l'image de l'auteur et de ses acolytes.
Résumé des éditeurs
C'est l'année du baccalauréat pour Magyd, un petit beur de la rue Raphaël, quartiers nord de Toulouse. Une formalité pour les Français, un événement sismique pour "l'indigène". Pensez donc, le premier bac arabe de la cité. Le bout d'un tunnel, l'apogée d'un long bras de fer avec la fatalité, sous l'incessante pression énamourée de la toute-puissance mère et les quolibets goguenards de la bande. Parce qu'il ne fait pas bon passer pour un intello après l'école, dans la périphérie du "vivre-ensemble"- Magyd et ses inséparables, Samir le miliant et Momo l'artiste de la tchatche, en font l'expérience au quotidien.
Et c'est dans ce quotidien que Magyd et ses acolytes ont appris à vivre et à ignorer les noms qu'on leur donnait dans leur cité entre "pédés", "salope" "traitre"...parce qu'un jeune homme qui aime l'école, qui aime la littérature, la langue française ne peut qu'être dénué de virilité et assimilé à l'ennemi (la femme, l'homosexuel ou le français). L'ennemi c'est aussi cette langue que les autres n'ont pas et qui les fait basculer dans la violence.
Magyd Cherfi nous dresse ici le portrait d'une époque, l'année 1981 avec l'accession de François Mitterrand au pouvoir représentant un danger pour les anciens qui l'ont connu à certaines fonctions pendant la guerre d'Algérie et l'espoir d'une société plus juste et d'élévation sociale pour les enfants d'immigrés.
Dans cette chronique de l'année 1981, l'auteur raconte avec gravité, passion et humour sa vie dans la cité des Izards de Toulouse, où il a été le premier fils d'immigrés algériens à obtenir son bac, et un bac littéraire qui plus est. Dans ce tableau, Magyd Cherfi dresse la liste de tout ce qui forme les problèmes des immigrés et de leurs enfants dans les banlieues françaises et soulève de nombreuses réflexions : comment appartenir à la République quand on s'appelle Magyd? Comment se sentir français sans avoir à renier ses origines et risquer l'opprobre de la part des habitants du quartier? Comment organiser un lien social visant à apporter un soutien scolaire aux élèves en difficultés et faire sortir les filles de chez elles? Quelle identité se choisir ou se construire? Comment oser parler un beau langage quand tout dans ce quartier vous ramène à une espèce de baragouinage qui vous écorche les oreilles? au final c'est à la question "qu'est-ce qu'être français aujourd'hui?" que Magyd Cherfi nous invite à réflechir. Le sujet est d'autant plus pertinent qu'il résonne avec l'actualité.
Magyd Cherfi se questionne en permanence dans son récit, il temporise, essaye de ne pas trop prendre de hauteur et ne montre pas toutes ses capacités, parce qu'il a tout simplement honte d'être le meilleur; il en vient même à douter de ses capacités pour ne pas se sentir en décalage avec les autres qui échouent. Il souligne un travers intrinsèque à ceux qui ne se reconnaissent pas dans la nation française, c'est le règne de la médiocrité, pour ne pas passer du côté du dominant, de l'ex-colonisateur, il ne faut pas lui ressembler. Il faut rester en bas et ne pas chercher à s'élever...drôle de raisonnement!
Ce récit c'est celui de la quête identitaire, de l'amour de la langue, de la poésie, de l'affirmation de l'appartenance à un pays et de la reconnaissance dans ses valeurs; ce récit c'est aussi l'engagement pour un féminisme à l'époque où afficher ses convictions pouvait lui valoir un passage à tabac. Voici un de mes passages préférés " [...]à la maison j'interdisais à mes soeurs de prendre le balai. Le balai, je le passais moi-même, j'avais peur qu'elle s'accroche à des réflexes de boniches, alors on finissait par un partage des tâches ménagères, un truc même pas équitable, mais elles se sentaient épaulées [...] non mais ça m'énerve, j'aime pas ce réflexe qu'elles ont de toujours faire le ménage".
Aujourd'hui le problème des banlieues n'est pas résolu, celui de l'école non plus, même si évidemment il y a beaucoup plus de "Magyd" qui obtiennent leurs bacs. Les crispations identitaires et la stigmatisation sont plus que jamais des poisons qui consument le "vivre-ensemble" et avec son écriture très enflammée et décapante Magyd Cherfi nous donne à voir les échecs politiques d'un pays qui n'a pas eu des responsables à la hauteur de ses enjeux.
Magyd Cherfi conclut en trouvant sa place, son identité et son but "comme le monde s'ouvrait à moi j'ai fait de mon fardeau des ailes, de mes blessures un boucliers, de mes fêlures identitaires deux richesses dans lesquelles s'est engouffrée la seule idée qui vaille, l'universel"...à méditer.
POUR FINIR /
Présent sur la liste des sélectionnés pour le prix Goncourt, ce livre au style coloré permet de comprendre une situation épineuse, celle de l'identité tiraillée entre deux rives, celle l'appartenance à la République française, celle de l'intégration, celle du communautarisme qui prend aujourd'hui d'autres formes et qui ne met pas au centre du pacte social, le respect des valeurs républicaines qui permet de constituer un "peuple", une "nation" et d'envisager un avenir commun; ce qui ne veut pas dire dilution d'une partie de son identité parce qu'elle est aussi une richesse. L'équilibre est difficile à trouver pour Magyd au début des années 80 et pour une partie d'entre nous encore aujourd'hui.
Magyd Cherfi donne une bonne leçon à ceux qui à son époque ont intériorisé leur échec et ont voulu contaminer ceux qui voulaient prendre de la hauteur, à l'image de l'auteur et de ses acolytes.
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