Accéder au contenu principal

Livre de chevet...La poésie de Ingeborg Bachmann


"Toute personne qui tombe a des ailes" ou quand le hasard et la constance d'une quête m'ont menée vers la poétesse et écrivaine Autrichienne Ingeborg Bachmann (1926-1973), qui manie avec virtuosité les mots et dont les poèmes se lisent inlassablement avec cette impression que c'est l'auteur qui nous a lu pour écrire et réécrire sur "l'ombre, l'obscur, l'abîme, l'angoisse, l'expérience précoce des ténèbres les plus terrifiantes, mais aussi l'appétit de vie, la soif de l'amour et la foi en l'amour". La maturité des poèmes de I. Bachmann est remarquable; les premiers ayant été écrits quand elle avait entre 16 et 18 ans.
Ce recueil est mon livre de chevet au même titre que la correspondance entre Albert Camus et Maria Casarès (tout aussi flamboyante et poétique). On le feuillette au gré de nos humeurs pour y trouver un écho, pour dissiper la nébulosité et l'amertume, pour retrouver l'irréductible beauté des mots et du sens que l'auteur y met...la poésie au chevet d'un monde malade et décadent.

Je me demande

Je me demande chaque heure mille fois
D'où me vint cette conscience d'un poids,
Ce souffrir sourd, toujours plus profond.
J'ai perdu depuis longtemps toute joie
De m'éprouver dans l'épuisement,
Je suis tourmentée dans mon cheminement
Et amère de ne savoir me garder.

Je me secoue en m'exhibant vers les cieux,
M'essaie à la jouissance et à la frénésie.
J'ai rompu avec Dieu et son monde
Et même à genoux n'ai jamais senti
Qu'existe cette paix humble
Que les autres atteignent si facilement.

Cependant, je dois être de Dieu, en toute contradiction.
Pour le croire comme il faut le croire, 
Il faut bien qu'il me donne de son rayonnement.
Comme tu es las, monde qui m'a enfantée,
Pour n'être prêt qu'à m'imposer des chaînes et,
Alors que je peux m'enflammer, m'enchanter,
Ensevelir en moi plus fixement tes ombres.

"Le lecteur de la poésie n'analyse pas, il fait le serment de l'auteur, son proche, de demeurer dans l'intense" (Yves Bonnefoy).



Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Un lieu à soi, Virginia Woolf...un texte lumineux et inspirant

Une chambre à soi, Virginia WOOLF, éditions 10-18.(je vous conseille de privilégier la nouvelle traduction de Marie DARRIEUSSECQ avec le titre "un lieu à soi" aux éditions DENOEL) "Pourquoi un sexe est-il si prospère et l'autre si pauvre? Quel est l'effet de la pauvreté sur le roman?" A travers ces deux questions, Virginia Woolf pose la problématique de cet essai pamphlétaire publié en 1929. Qu'est-ce qui peut permettre à une femme de devenir un grand écrivain? Qu'est-ce qui peut permettre à sa créativité de se déployer? Sa thèse est qu'il faut disposer d'une pièce à soi et de suffisamment d'argent; "de la liberté et de la paix", or à l'époque du début du 20ème siècle, ce n'est pas chose aisée pour les femmes. Née en 1882 à Londres, Virginia Woolf n'est pas allée à l'université et ce sera un des grands regrets de sa vie; en revanche, son père Sir Leslie Stephen mettra à disposition de sa fi...

L'Orangeraie, Larry TREMBLAY

éditions de la table ronde, 2015, 152 pages. Résumé de l'éditeur Les jumeaux Amed et Aziz auraient pu vivre paisiblement à l'ombre des orangers. Mais un obus traverse le ciel, tuant leurs grands-parents. La guerre s'empare de leur enfance. Un des chefs de la religion vient demander à leur père de sacrifier un de ses fils pour le bien de la communauté. Comment faire ce choix impossible? J'ai eu la chance de découvrir ce magnifique livre sur la chaîne de "My pretty books" et quelle lecture envoûtante et révoltante! Larry Tremblay dans une écriture toute en douceur, et dans un style presque poétique nous montre tout le mal et l'absurdité qui émanent d'une guerre et ébranlent des vies. Les mots clés de ce roman sont "guerre", "religion", "enfance", "innocence", "martyr", "paradis", "sacrifice"...Pourquoi et comment la guerre vole l'innocence des enfants? C'est avec be...

Petit pays, Gaël FAYE...un hymne à l'innocence perdue ♡

éditions Grasset, rentrée littéraire 2016, 215 pages. Résumé Avant, Gabriel faisait les quatre cents coups avec ses copains dans leur coin de paradis. Et puis l'harmonie familiale s'est disloquée en même temps que son "petit pays", le Burundi, ce bout d'Afrique centrale brutalement malmené par l'Histoire. Plus tard, Gabriel fait revivre un monde à jamais perdu. Les battements de coeur et les souffles coupés, les pensées profondes et les rires déployés, le parfum de citronnelle, les termites les jours d'orage, les jacarandas en fleur...L'enfance, son infinie douceur, ses douleurs qui ne nous quittent jamais.                Gaël Faye nous offre un magnifique roman sur l'enfance. Il montre comment la violence finit par s'insinuer dans les âmes les plus innocentes pour les saccager. Cette violence et cette peur qui prendront place petit à petit et qui dissoudront l'insouciance de l'enfance pour laisser place à la méchanceté, la p...