Les souffrances du jeune Werther, roman (épistolaire), J.W von Goethe, 1774, 173 pages.
Ce blog étant mon espace de liberté et désirant m'y exprimer comme je le souhaite, je ne vais pas aujourd'hui vous rédiger un avis comme je le fais habituellement. Je vais vous laisser lire quelques extraits qui parleront d'eux-mêmes aux vrais férus de littérature, aux fins lettrés.
D'ailleurs je rédigerai prochainement une chronique sur ma conception de l'art de lire. En effet, il y a la littérature exigeante, "haut de gamme" si je puis dire et il y a la littérature de "gare" ou de "plage", dit ainsi cela peut paraître péjoratif, il n'en reste pas moins que toutes les littératures ne se valent pas!! Je souhaite me libérer des contraintes du lecteur moderne 2.0 même si d'une certaine façon j'y prends part avec ma présence sur ce blog, j'y reviendrai en développant mon point de vue ultrérieurement.
En attendant ma diatribe contre une société qui fait du livre un banal bien de consommation, allons retrouver notre mélancolique Werther, affligé d'une sensibilité exacerbée, précurseur des héros romantiques; traversons les tumultes de son coeur et prenons part à sa souffrance d'amoureux éconduit :
J'ai rassemblé avec soin tout ce que j'ai pu recueillir de l'histoire du malheureux Werther, et je vous l'offre ici. Je sais que vous m'en remercierez. Vous ne pouvez refuser votre admiration à son esprit, votre amour à son caractère, ni vos larmes à son sort. Et toi bonne âme qui souffre du même mal que lui, puise de la consolation dans ses douleurs, et permets que ce petit livre devienne pour toi un ami, si le destin ou ta propre faute ne t'en ont pas laissé un qui soit plus près de ton coeur.
[...]je ne veux plus, comme je l'ai toujours fait, savourer jusqu'à la moindre goutte d'amertume que nous envoie le sort.
Je me trouve très bien ici. La solitude de ces célestes campagnes est un baume pour mon coeur, dont les frissons s'apaisent à la douce chaleur de cette saison où tout renaît. Chaque arbre, chaque haie est un bouquet de fleurs...la ville elle-même est désagréable, mais les environs sont d'une beauté ravissante.
Oui cher Wilhelm, c'est aux enfants que mon coeur s'intéresse le plus sur la terre. Quand je les observe et que je vois dans ces petits êtres le germe de toutes les vertus, de toutes les facultés qu'ils auront si grand besoin de développer un jour; quand je découvre dans leur opiniâtreté ce qui deviendra constance et force de caractère; quand je reconnais dans leur pétulance et leur espiègleries mêmes l'humeur gaie et légère qui les fera glisser à travers les écueils de la vie; et tout cela si franc, si pur!
[...]Car c'est dans la mesure où nous partageons les sentiments d'autrui que nous sommes qualifier pour juger une chose. La nature humaine a ses bornes...elle peut jusqu'à un certain point supporter la joie, la peine, la douleur : ce point passé, elle succombe. La question n'est donc pas de savoir si un homme est faible ou s'il est fort, mais s'il peut soutenir le poids de ses souffrances, qu'elles soient morales ou physiques; et je trouve aussi étonnant que l'on nomme lâche le malheureux qui se prive de la vie que si l'on donnait ce nom au malade qui succombe à une fièvre maligne.
Pourquoi faut-il que ce qui fait la félicité de l'homme devienne aussi la source de son malheur? Cette ardente sensibilité de mon coeur pour la nature et la vie, qui m'inondait de tant de volupté, qui du monde autour de moi faisait un paradis, me devient maintenant un insupportable bourreau.
Je ne suis pas le seul à plaindre. Tous les hommes sont frustrés dans leurs espérances, trompés dans leurs attentes.
Que ne puis-je m'en prendre au temps, à un tiers, à une entreprise manquée! Alors l'insupportable fardeau de ma peine ne porterait qu'à demi sur moi. Malheureux que je suis! je ne sens que trop que toute la faute est à moi seul. La faute, non! Je porte aujourd"hui cachée dans mon sein la source de toutes les misères, comme j'y portais autrefois la source de toutes les béatitudes. Ne suis-je pas le même homme qui nageait autrefois dans une intarissable sensibilité, qui voyait naître un paradis à chaque pas, et qui avait un coeur capable d'embrasser dans son amour un monde entier? mais maintenant ce coeur est mort, il n'en naît plus aucun ravissement; mes yeux sont secs; et mes sens angoissés, que ne soulagent plus les larmes rafraîchissantes, sillonnent mon front de rides.
[...] je crains que ce ne soit cette impossibilité même de m'obtenir qui fasse le charme de vos désirs...il retira sa main des siennes et la regardant d'un oeil fixe et mécontent "quelle sagesse, s'écria-t-il! quelle diplomatie! ah! quelle sagesse" , chacun peut la faire, repris-t-elle. N'y aurait-il pas dans le monde entier aucune femme qui pût remplir les voeux de votre coeur? gagner sur vous de la chercher, et je vous jure que vous la trouverez...cherchez, sachez trouver un objet digne de votre amour, et revenez alors : nous jouirons ensemble de la félicité que donne une amitié sincère.
L'écriture pour se délivrer de ses démons; l'écriture comme catharsis. En donnant la mort à son personnage, Goethe se console de la passion malheureuse qui a été sienne, il essaye de refermer ses plaies et choisit de rester du côté de la vie. Werther est ce double qu'il peut accabler en se déchargeant de son chagrin pour mieux reprendre possession de sa raison.
Quelle que soit la sensibilité du lecteur, il ne sera pas aussi réceptif à ce texte à moins d'être un coeur exalté...
Quelle que soit la sensibilité du lecteur, il ne sera pas aussi réceptif à ce texte à moins d'être un coeur exalté...
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