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Les cahiers d'Esther, Riad SATTOUF.

Allary Editions, janvier 2016.

Quatrième de couverture :
Je m'appelle Esther et j'ai 10 ans. J'ai raconté 52 histoires vraies extrêmement intéressantes sur moi (ma famille, mes amis, ma vie etc.) à Riad Sattouf et il en a fait ce livre très réaliste avec des gros mots (merde-con-putain) parce qu'on parle comme ça nous les jeunes.

Dans ce nouvel album qui est un recueil des planches publiées chaque semaine dans L'Obs en 2014 et 2015, Riad Sattouf se propose de faire le portrait d'une petite fille bien réelle, puisqu'il s'agit de la fille de ses amis. Depuis qu'elle a 9 ans, Le talentueux dessinateur soumet fréquemment la petite Esther (le prénom a été changé) à des questionnaires pour saisir son quotidien, sa vie d'écolière, les préoccupations des petites filles de son âge, ses relations familiales et amicales et raconter ses aventures.

Contrairement au caractère plutôt timide et contemplatif de Riad enfant dans "l'arabe du futur", Esther est pleine de vie, espiègle, plutôt populaire dans son école privée; il faut insister sur son école privée, puisque vraisemblablement et selon les dires de son père (son "héros"), l'école privée est moins dangereuse pour une petite fille et mieux fréquentée que l'école publique. On se rendra vite compte que la bêtise et une certaine forme de cruauté n'épargne pas certains élèves de son école "privée". Il est à noter que Antoine, le grand frère d'Esther (qu'elle trouve con) est dans un collège public et en prise avec les balbutiements de ce qu'on appelle "l'adolescence". Les répliques du jeune "homme" sont toujours hilarantes et pour  ceux qui connaissent l'étrange créature qu'est l'adolescent (ou qui se souviennent d'eux-mêmes plus jeunes) les situations seront très parlantes.

Même si l'enfant qu'était Riad en Syrie est à mille lieues de la petite Esther qui vit aujourd'hui dans un environnement ouaté, il y a comme un écho entre les deux enfants qui, par exemple, érigent leurs pères en héros et modèles indépassables, ou encore lorsqu'on se rend compte de la place des filles et des garçons à l'école. Hormis ceci, les préoccupations de la petite Esther sont d'une nature légère pour nous, mais vitale pour elle : ses copines, les garçons, son obsession pour l'iphone qu'elle espère obtenir quand elle sera au collège, la musique avec des chanteurs aussi accessoires que Tal, Black M, le "très beau" Kendji, Maître Gims (ce dernier m'horripile particulièrement, parce qu'on a beau abreuvé ses enfants avec des chansons à texte et de la musique de qualité, ses refrains entêtants, criards et ô combien agaçants nous dépassent!), ou encore Beyoncé.

En étant tour à tour lucide et piquant, Riad Sattouf porte un regard sur notre époque, sur la société actuelle qui dans son excès de modernité nous pose de nouveaux défis, et nous questionne sur la jeunesse d'aujourd'hui. Son regard était mordant dans "la vie secrète des jeunes", incroyablement lucide pour l'enfant que Riad était dans "l'arabe du futur", finalement assez tendre dans "les cahiers d'Esther". C'est avec une habileté singulière, des dessins très riches et très élaborés qu'il nous offre une vision amusante et amusée de  l'enfance.

Riad Sattouf prévoit de suivre l'évolution de Esther jusqu'à ses 18 ans, et parions qu'avec ce qui le caractérise, à savoir, un sens de l'observation très pointu, il fera de ce travail quasi-"sociologique" un outil de compréhension d'une génération d'enfants nés dans les années 2000. Sans nous imposer de message, l'auteur nous permet de donner plus d'amplitude à nos points de vue et plus d'acuité dans notre regard.

Vous l'aurez compris, le travail créatif de Riad Sattouf fut une fois de plus savoureux, très drôle et j'ai été éblouie par la qualité de ses dessins et sa façon de raconter des histoires.

(je remercie les éditions Allary de m'avoir envoyé cet album)

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