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Camille, mon envolée de Sophie DAULL, éditions Philippe Rey, 185 pages, 2015.

Résumé de l'éditeur
Dans les semaines qui ont suivi la mort de sa fille Camille, 16 ans, emportée une veille de Noël après quatre jours d'une fièvre sidérante, Sophie Daull a commencé à écrire. Ecrire pour ne pas oublier Camille, son regard "franc, droit, lumineux", les moments de complicité, les engueulades, les fous rires; l'après, le vide, l'organisation des adieux, les ados qu'il faut consoler, les autres dont les gestes apaisent...Ecrire pour rester debout, pour vivre quelques heures chaque jour en compagnie de l'enfant disparue, pour endiguer le raz de marée des pensées menaçantes.

          Camille, c'est la fille unique de Sophie Daull, une jeune fille de 16 ans qui a succombé à l'attaque d'une bactérie après quatre jours d'un combat courageux. Sophie Daull nous livre ici son premier roman sous forme de journal dans lequel elle nous raconte la lente agonie de sa fille et les semaines qui ont suivies.
           A la veille de Noël, en décembre 2013, Camille s'est envolée, et c'est cette courageuse lutte que sa mère nous décrit. L'origine du mal restera quelque peu incertaine. Camille a commencé à présenter des symptômes qui s'apparentaient à ceux de la grippe, quoi de plus banal en période d'épidémie; il s'avérera qu'elle souffrait d'une surinfection dûe à une bactérie foudroyante. La première question qui m'est venue à l'esprit est : "si Camille n'avait pas été attaquée par ce mal fin décembre dans un contexte d'épidémie de grippe, aurait-elle pu être sauvée?", sachant qu'elle avait été transportée à l'hôpital par ses parents et que l'interne qui l'a auscultée l'a laissée repartir avec une ordonnace de Doliprane! Sophie Daull ne s'attarde pas sur des "et si?" et ne s'acharne pas sur le corps médical (elle dit qu'elle n'a pas voulu ajouter de la haine au chagrin), elle écrit dans l'urgence pour ne pas voir les souvenirs s'estomper, se diluer "[...] je n'ai qu'une envie, c'est d'être avec papa et de continuer à écrire ce texte. D'être avec toi, donc. Ecrire c'est te prolonger".

         Dans cette lettre qui est un "geste poétique", Sophie Daull semble s'être engagée peu de temps après le décès dans un processus cathartique, pour "se laver du chagrin", parce que écrire c'est essayer "d'aller au-delà de la douleur" et maintenir un semblant de vie, même si elle dit parfois s'en vouloir d'effectuer certains gestes d'une grande banalité, chaque moment où elle respire étant une insulte à la "non-vie" de Camille. 
          Sophie Daull dit "tu" à sa fille, elle lui raconte les jours qui ont suivi sa disparition, la nouvelle qu'elle doit annoncer à son entourage, les funérailles qu'elle doit organiser avec le papa et la tante, etc. Elle ne se sépare pas de son parler vrai, faisant de son texte un bel objet littéraire d'où l'humour et la dérion ne sont pas absents.

           Camille brille par sa jeunesse, sa beauté, son intelligence et par le courage avec lequel elle a vécu ses quatre douloureux derniers jours, et cela force l'admiration.
Dans ce récit poignant, sans être larmoyant, l'auteur a voulu se tenir éloignée de toute forme de pathos et elle exprime avec sensibilité à sa fille "[...] cette suite de mots trempée dans une encre inconnue jusque-là, ce recueil qui recueille le sang tout chaud de la déchirure, le souffle tout froid de la disparition"...l'amour impérissable d'une mère pour son enfant.

          Sans connaître S. Daull, on devine aisément que c'est une femme qui a beaucoup d'humour et qui, malgré le chagrin, semble animée par une pulsion de vie, celle notamment de prolonger à travers ce récit et sa publication la vie de Camille, tout cela en évoquant la nature de leur relation, pleine de rires et de moments de complicité. Camille aimait les livres et c'est un très bel hommage qu'elle lui offre là.

CE QUE J'EN PENSE /

           Il m'a fallu plusieurs mois avant que je me décide à ouvrir ce livre, je craignais que ma sensibilité exacerbée de maman ne vienne me gâcher ma lecture. Il n'en est rien, ce récit est certes poignant et vous pince le coeur, mais il n'est pas le cri d'une mère éplorée (ce qui serait bel et bien légitime), c'est une lettre d'amour pure et d'une grande beauté, non dénuée d'humour.
Une coïncidence m'a beaucoup émue, puisque au moment où Sophie Daull enterrait son "chaton" (comme elle appelait sa fille), je donnais naissance à ma fille et ce dans la même commune, la maternité dont je dépendais étant située non loin du cimetière où repose Camille. 
          Ce roman fort aux mots justes et précis laissera une trace durable dans mon esprit et fera certainement partie de mes plus belles lectures de 2016.
          

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