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A la place du mort, Paul BALDENBERGER.

Roman, éditions Equateurs, 2016, 185 pages.

Résumé de l'éditeur
David a douze ans et attend la belle Nina devant l'aumônerie jouxtant le lycée. Elle ne viendra jamais au rendez-vous. A la place, une peugeot bleue et un homme armé. Il ne relâchera l'enfant que trois heures plus tard. Trois heures, le temps pour le bourreau de commettre son crime. Trois heures dans la tête de l'enfant qui fera tout pour survivre.

Début des années 80, David est un enfant, un enfant qui ressent ses premiers émois amoureux pour la belle Nina de Valmain. Persuadé qu'il va la croiser devant l'aumônerie en cette journée de juin, il l'attend mais elle ne vient pas,il comprendra vite qu'il s'est trompé de jour. Une voiture s'arrête à sa hauteur et l'homme qui est au volant demande à David de monter en le menaçant avec un revolver. L'enfant obéit et s'asseoit "à la place du mort"; expression qui revêt un double sens. La place du mort c'est celle de David, qui pendant ses trois heures de viol tentera de se déconnecter pour avoir l'attitude la plus conforme à ce qu'attend l'agresseur, et ce, afin de sauver sa peau. La place du mort parce qu'il est né pour, en quelque sorte, consoler ses parents de la mort de leur fils de sept ans.

Dans ce récit troublant, le lecteur peut se sentir mal à l'aise à travers les détails que donne le narrateur pendant ces quelques heures où il est l'objet sexuel de son ravisseur, mais aussi par le détachement dont il fait preuve dans ses descriptions. C'est  un contraste saisissant que nous livre l'auteur en entremêlant les différents moments de la vie de David, et en montrant qu'en portant ce secret il n'en sortira pas détruit comme ce qui est communément admis pour les victimes d'agressions sexuelles. Contre toute attente, il arrivera à se construire en mettant cet événement à distance. Doté d'une grande maturité et d'une grande sensibilité pour ceux qui l'entourent, il trouvera le moyen de ne pas se laisser dévorer par la culpabilité et pour que ce drame qui lui a volé une partie de son innocence n'affecte pas sa vie sociale future ainsi que ses relations avec les femmes.

Au début du roman, Paul Baldenberg évoque le film "Mystic River"* pour dire l'atmosphère qu'a su créée Clint Eastwood pour parler du viol d'un enfant et "de ses conséquences sur la vie d'un groupe de gamins devenus adultes et sur leur descendance". Lorsque plusieurs années plus tard il voit le film au cinéma, David est bouleversé par la scène du petit garçon qui se fait enlever par un homme en voiture puis relâcher quelques heures plus tard. Ces quelques heures, dont nous n'aurons aucune description pour ceux qui comme moi ont vu le film, vont détruire l'enfant et  auront des conséquences dramatiques quand il sera devenu adulte. Ce que dit très justement l'auteur c'est que "Clint Eastwood ne film donc pas le viol à proprement  parler. Il sait que montrer la violence est inutile, il sait qu'il faut rester du côté du gamin."

Vraisemblablement inspiré de faits réels, ce roman est le premier de Paul Baldenberger.
(je remercie les éditions Equateurs de m'avoir envoyé ce livre)

*Mystic River est l'adaptation cinématographique du roman de Dennis Lehane, un  des plus grands auteurs de thrillers selon moi. Clint Eastwood a parfaitement restitué l'atmosphère de ce roman et en a fait une adaptation très fidèle et très réussie.


Commentaires

  1. Sujet dur et troublant mais le fait qu'il devienne une force pour le "héro" peut vraiment amener un aspect différenciant. Je me laisserai bien tenter je dois l'admettre

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  2. Le problème avec tes chroniques Amira c'est qu'elles me donnent toujours envie de découvrir encore de nouveaux livres, de nouveaux auteurs, et il me manque du temps pour ça ! 😉
    Merci pour ton partage 😊

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